lundi 12 mars 2012

Entretien avec le cinéaste Malek Bensmaïl (4e et dernière partie)

Zahra Maldji a interviewé le cinéaste Malek Bensmaïl qu'elle avait rencontré à Paris lors d'une réflexion-présentation de son documentaire La Chine est encore loin. Aujourd'hui, nous publions le dernier volet de cette interview où il dit son rapport avec le cinéma et son choix du cinéma qu'il veut faire : "le cinéma qui dit des choses"...



Les mots de la fin

Zahra Maldji : Vos films se suivent et ne se ressemblent pas, qu’ils soient des films, des documentaires, des films-documentaires, des fictions ou des reportages. Qu’est-ce qui vous motive et qui vous amène à ces choix très éclectiques ?
Malek Bensmail : L’idée de construire, de construire une mémoire. Je cherche des sujets différents et qui amènent en tout cas l’idée d’une réflexion sur soi, de pousser un petit peu les tabous, de les transgresser petit à petit, d’une manière très douce pour que l’on avance sur une certaine idée de notre société. Après, la forme change à chaque fois, parce que je trouve plus intéressant de la changer.

Zahra Maldji : Néanmoins, vous avez un éventail très large, puisque vous touchez à tout. Vous avez une excellente presse, car vous suivez de près l’actualité d’ici et d’ailleurs, mais est-ce suffisant pour que vos œuvres soient mises en avant, en valeur et qu’elles aient une véritable audience auprès du public. Parce qu’au final, vos films ne sont pas des films commerciaux. Cela ne vous rend-il pas la tâche difficile pour leur sortie en salle ?

Malek Bensmail : Si, c’est un peu plus compliqué, mais j’ai envie de continuer à faire le cinéma que j’ai envie de faire, je pense que je ferai peut-être un jour un film commercial, mais je ne suis pas fan de ce cinéma. J’aime bien un cinéma qui dit des choses. Je pense que, comme pour tous les arts, l’important, c’est de pouvoir s’exprimer. On vient tout de même d’un pays où les choses ne sont pas exprimées. Certains de ceux qui font du cinéma commercial sont passés par un cinéma de questionnement. Je pense même à l’Europe. La France est passée au cinéma commercial parce qu’on a eu un nouvel art qui a questionné la guerre avec l’Allemagne, par exemple, qui a questionné un certain nombre de sujets. Je veux dire que c’est par ce biais-là que l’on peut aller vers le cinéma commercial. On ne peut passer par la naissance d’un pays directement par le cinéma commercial. Même le cinéma égyptien, avant, questionnait des histoires liées aux mœurs, au nassérisme. Il y a toujours eu un cinéma de questionnement avant d’arriver au cinéma commercial. Je peux m’inscrire dans ce type de cinéma et d’autres préfèrent le cinéma commercial.

Zahra Maldji : Que pensez-vous du cinéma algérien et quelles chances a-t-il de sortir du marasme dans lequel il croupit actuellement ?
Malek Bensmail : Disons qu’il n’est pas beaucoup aidé, qu’il n’y a pas de volonté politique, beaucoup de lenteurs bureaucratiques et cela, c’est la pire chose que l’on pût imaginer pour le cinéma, parce que cela freine la création. Quand on une idée, quand le projet est bon, quand le scénario est bon, il faut aller vite, sinon le cinéaste se fatigue, et les acteurs aussi. Il faut la création d’écoles, une multiplicité de visions, il faut ouvrir le champ médiatique. Quand on n’a qu’un champ médiatique, il n’y a pas de retour. Ce sont les mêmes choses qui sont ânonnées à la télévision algérienne. Comme on le voit dans mon film, l’enfant va chercher d’autres référents, soit au Moyen-Orient, soit en Europe. Pourquoi ne pas avoir ses propres référents avec ses diversités ? Une chaîne berbère, une chaîne algérienne, une chaîne de cinéma, une chaîne drôle, une chaîne francophone, un mélange de tout cela qui fait la diversité des algériens. Et cela permettrait sans doute aux enfants d’avoir envie de faire du cinéma ou du théâtre, de s’ouvrir sur le monde. Et tant que l’on n’a pas compris cela, et je reviens à ma phrase du début, à savoir que, tant que l’on n’a pas compris que système éducatif et culture doivent entrer dans des écoles extrêmement ouvertes et modernes, on n’y arrivera pas.

Zahra Maldji : Pour en terminer, pourquoi ce curieux titre, La Chine est encore loin ?
Malek Bensmail : Je laisse les gens le découvrir.

Propos recueillis par Z. Maldji


Bande Annonce du film

Aucun commentaire:

popstrap.com cookieassistant.com