mercredi 30 mai 2012

Clin d'oeil sur Fait Noir de Marie Nau



Fait Noir est le premier roman de la nouvelliste Marie Nau. Que voilà un étrange roman, non pas par le thème mais par l’écriture. Encore que le mot « étrange » ne soit pas approprié. Nous dirons curieux. Il étonne avec ce rythme soutenu, qui vous mène tambour battant depuis le début jusqu’à la fin. Il étonne avec ce style pas féminin pour un sou, abrupt et dense avec cet enchaînement des phrases qui va des expressions les plus lapidaires comme « Bon. », « Tant pis. », « Déjà ! » jusqu’à cette incroyable phrase ne comprenant pas moins de 357 mots se décomposant, elle-même, en dizaines de petites phrases lancées à une cadence qui vous met hors d'haleine ! Une écriture unique qui ose.

On est entraîné par ce style, ce galop adopté pour raconter l’histoire de Grouille/Driss, jeune homme africain, orphelin, ne connaissant ni ce que peut être un ailleurs en soi, ni un ailleurs chez les autres, à moins que ce soit un « ailleurs inconnu ». Il est en recherche d’identité. Peu importe les ailleurs qu’il côtoie ou frôle au hasard de ses pérégrinations et auxquels il ne peut donner de nom. Sauf peut-être quand la cale du bateau où il embarque clandestinement devient un provisoire ailleurs, ou quand une bibliothèque « n’empêche pas de lire, d’absorber ».

Pourtant, dans cet immense orphelinat qui est le sien, au-dessus de tous ces ailleurs, Driss n’est pas seul. Sa vie dont il ne sait que faire, déambule entre un Vieux Monsieur, médecin à la retraite qui veut l’adopter, un Tim, une Margue, et surtout « Elle ».

« Elle » est la pause, les instants de tendresse et de silence. « Elle » est « sa mie » grâce à laquelle Driss déclare « je ne suis plus seul au monde ».

L’histoire de ce jeune homme n’est pas seulement un fait migratoire. Marie Nau va plus loin car la quête d’une identité est la force de ce roman qui vous laisse à bout de souffle, celle d’un être auquel l’auteur fait dire « La vie me ballotte et me gifle... »

Mais nous n’en dirons pas plus car ce livre mérite de s’y arrêter parce qu’il intrigue de par son écriture à la trame serrée et de par la tendresse que l’on ressent pour le personnage de Driss. Une histoire migratoire à l’intérieur de soi et au milieu des ailleurs, ceux des autres qui savent où commence la leur...


Marie Nau vit en Aquitaine. Elle est l’auteur de plusieurs nouvelles qui ont reçu des récompenses littéraires.

Fait Noir, aux Editions La Cheminante

samedi 26 mai 2012

Hassan Mimouni, le peintre-tisserand



L’artiste-peintre Hassan Mimouni est un tisserand de la couleur et du terroir. La genèse de sa peinture prend sa source dans l'univers marocain. Il transcende son attachement parce qu'il n'a pas rompu le lien. Quand bien même serait-il un voyageur sur d'autres rives. Le pays de lumière est une eau vive à laquelle le pinceau de l'artiste vole quelques algues laineuses au gré de l'instant et de l'impression qu'il veut fixer.

Lorsqu’on rencontre l’homme, on remarque le visage sans tourments, une lueur dans le regard qui vous dit combien il aime la vie avec ce qu’elle peut donner. Et même, quand elle ne veut pas donner.


Ses mains à la gestuelle sereine révèlent, sans complètement livrer, un parcours qui a recueilli les perceptions intimes de l’être mais aussi les couleurs qu’il aura empruntées à sa terre. Il chante celle-ci car elle est son inspiratrice, sa raison d’être. Une terre qu’il aime tout simplement. Une terre qu’il tisse, avec un mélange de laine et d’acrylique, d'étoffes brochées disant l’éclat des noces de l’arganier et de l’Atlas auquel s’adossent les espérances lumineuses. Sa peinture est un carrefour d’entrecroisements où se rencontrent luxuriance, mystique du Christ et silence des invisibles. 

Pour ces derniers, pour ces êtres « oubliés », il franchit les fils de la toile de jute les retenant prisonniers.

Pourtant sa peinture n’est pas emprisonnement. Elle est brûlante comme le scintillement de ses Murs (voir tableaux colonne gauche), quasi monacale avec ses Oubliés (ci-dessus et ci-contre gauche) et elle s’ouvre aux sens en passant par le mur rouge-passion s’entremêlant à la trame violette de l’autre mur de son imaginaire.
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Malgré la gravité de ses thèmes, Hassan Mimouni fait surgir une splendeur de la couleur et exalte ses murs de laine. Le passant respire. Il savoure la calme plénitude se révélant à son regard. La beauté est là, à l’état brut, faite de ces matières qui sont notre quotidien et dont on oublie qu’elles sont aussi nos rêves.

Hassan Mimouni ne s’interdit pas et ne nous interdit pas de rêver. Il suffit d'ouvrir les portes et de pénétrer dans le monde qui est le sien...

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