vendredi 23 novembre 2012

Galerie Feuillantines : Catherine Seghers et Rached exposent



La galerie Feuillantine est de ces lieux que l’on aime découvrir au fil d’une promenade dans ce quartier si douillet mais si surprenant qu’est le cinquième arrondissement de Paris. La fraîcheur des murs, l’intimité de cette galerie nous emportent loin de la fontaine Saint-Michel où le bruit et la fureur des cohortes de visiteurs, des motos, des magasins dégorgeant leur trop-plein sur les trottoirs agressent nos sens et notre vision.



Rached. Rep. interdite.
Ces jours-ci, elle abrite une série d’œuvres de deux peintres, Rached et Catherine Seghers, qui renforcent cette impression de distanciation avec les rues Buci, Jacob et autres où la sophistication règne même quand de bons artistes sont exposés.

Rached. Rep. interdite.
Elle renforce ce sentiment avec l’univers de Rached qui nous fait pénétrer dans un ballet aérien de visages et de silhouettes enfantines, entrecoupés par un regard sombre qui, malgré le chatoiement des couleurs, inquiète quelque peu. L’enfance, l’innocence ne sont jamais loin de cet apeurement qui transparaît dans le dit furtif des œuvres. 

C. Seghers. Rep. interdite.
Pourtant, on aime. On ne peut s’empêcher de succomber à la séduction du rouge sombre et des éclairages sur des temps comme révolus. Alice au pays des merveilles mais pas Alice dans l’innocence. Enfants tout en joliesse mais, aussi, tout en gravité. Dans l'espace et dans le temps. En suspension. Pour ne pas s'arrêter.

C. Seghers. Rep. interdite.
Catherine Seghers est dans un tout autre registre. Comme une échappée de ces aquarelles à l’encre japonaise ou chinoise. Curieusement, elle se relie comme inconsciemment au livre car si certains y voient du papier plié, nous, nous y voyons le monde du livre : autant de livres travaillés en éventails, ailes déployés de l'écriture en peinture. 
La fille de l’éditeur Seghers disparu a, comme par mégarde ou intentionnellement, imprégné son travail de son héritage.


Deux expositions à voir jusqu'au 20 décembre 2012
La galerie Feuillantine
d'André et Bérangère Sinthomez
17, rue des Feuillantines
75015 Paris
Tél. : 06 37 23 84 88 / 06 80 56 96 66

dimanche 18 novembre 2012

"Lire Assia Djebar" par le Cercle des amis de la romancière



L’œuvre de la romancière Assia Djebar a beaucoup fait l’objet d’études, d’analyses et de thèses. Parmi celles-ci, on peut noter la thèse de doctorat de Loubna Achheb (« Quête de soi dans la littérature algérienne d’expression française du désenchantement », précisément sur Rachid Boudjedra, Assia Djebar et Rachid Mimouni), le travail de Vera Lucia Soares (« A escritura dos silêncios. Assia Djebar e o discurso do colonizado no feminino ») ou bien les travaux de Christiane Achour et de Simone Rezzoug.

Le Cercle des Amis d'A. Djebar.
Ph. Arabian People & Maghrebian World.
Cependant, ce sera bien la première fois que des lecteurs se réuniront non seulement pour créer un cercle d'amis autour de la romancière, initié par Amel Chaouati, mais, aussi, pour écrire un livre sur l’œuvre de celle-ci. 
Aux voix des inconditionnels d’Assia Djebar s’ajoutera celle de Wassila Tamzali, de Kiyoko Ishikawa qui a traduit L’amour, la fantasia en japonais. Parmi ces voix aussi, intervient la peinture sous le pinceau et la poétique d’Anne-Marie Carthé (voir tableau ci-dessous).

Oeuvre d'Anne-Marie Carthé
en hommage à un roman d'A. Djebar.
Rep. interdite.
Les auteurs de Lire Assia Djebar ! viennent de tous horizons et se sont rencontrés autour d’une vocation de lecteurs assidus de l’écrivain, nous faisant découvrir de réels talents et des critiques littéraires avérés et parmi eux, il y a une écriture qui s’est révélée intéressante. Ainsi en est-il de Sonia Amazit avec son texte « Ebauche d’une voi(x)e voluptueuse ».

Amel Chaouati (à dte).
Ph. Arabian People & Maghrebian World






Un cheminement des plus intéressants, des plus surprenants parce qu'innovant car il s'agit là d'une première : jusqu'à présent, jamais de lecteurs n'auront écrit ou publié sur un écrivain. Le Cercle des Amis d'Assia Djebar l'a osé et le résultat est des plus sympathiques après ce qui fut, d’abord, une passion de lecteurs pour arriver, par la suite, à un regard de vrais critiques littéraires que les éditions de La Cheminante ont su discerner et retenir.


Lire Assia Djebar !
Editions La Cheminante
64500 - Ciboure
Site : www.metaphorediffusion.fr

Site du Cercle des Amis d'A. Djebar : http://assiadjebarclubdelecture.blogspot.fr/

Clin d'oeil : Bernard Faucon




Bernard Faucon.
Les chambres - La chambre d'or.
Il étudia la philosophie, il s’imprégna de théologie, il deviendra photographe et il s’éveille auteur. Il est Bernard Faucon, le rêveur des chambres d’amour et des mannequins buvant un diabolo menthe sur un arrière-fond de brûlure.

La galerie Berthet-Aittouares expose l’un des plus grands photographes que l’on connaisse à ce jour. Un photographe qui donne du vivant sur un feu ou une herbe bleutée et glacifiée ou encore, dans ce qu’il imagine comme « évolution probable du temps ».

Bernard Faucon.
L'évolution probable du temps.
Nous attendons de regarder des œuvres d’un homme pour qui le monde s’emprisonne dans un encadré, avec un jeu d’ombres noires et grises. Il n’en est rien. Bernard Faucon explose les cadres, il entre dans la rétine, il œuvre comme dans une pièce de théâtre, il est plus qu’un musée Grévin où les personnages de cire sont purs fantômes: ses mannequins d’adolescents réveillent une enfance, une époque, passant par-dessus les décennies, avec un rien de terrifiant dans leurs postures, dans leurs siestes désarticulées... chaque couleur, chaque détail, il en fait une histoire et plus qu'une émotion. Curieusement et cela peut être controversé pour qui ne sera pas en accord avec cette vision, il est comme un léger lien avec Tennessee Williams et sa "Baby dolls" que l'auteur a définitivement fixé dans le temps...

Bernard Faucon n’est pas à présenter, il est simplement à aller à sa rencontre, à toucher du regard le monde dont il écrit « Un jour nous aurons le bonheur » même si La chambre qui brûle nous dit le contraire. Mais dans celle-ci, peut-être faudrait-il voir la purification dans le purisme d’une pièce où ne règne qu’une table au milieu des flammes, car écrit-il encore « Mes images sont des pièges, des dispositifs, des ruses pour  attraper un peu de vérité. Par le calcul et les artifices de l’art, ouvrir des fenêtres sur des bonheurs, des paradis perdus».

Festival Photo Saint-Germain-des-Prés
Voyages et Rêves
BERNARD FAUCON
8 novembre - 8 décembre 2012
Galerie Berthet-Aittouarès
29, rue de Seine - 75006 Paris
Tél : 01 43 26 53 09 / 06 12 06 23 04

Dimanche 18 novembre 2012 : ouverture exceptionnelle de 15h à 19h. 

lundi 12 novembre 2012

Rana Raouda : les chemins sont multiples sous un seul pinceau



Rana Raouda, si éloignée géographiquement quand elle se calfeutre quelque part, en Seynod, là où trois ruisseaux se rejoignent pour mieux communier d’avec leurs eaux. L’artiste-peintre libanaise n’est pourtant pas retirée du monde car son pinceau dit les espaces qui emportent et s’emportent, au-delà des ciels libanais et savoyard.

Elle est. Sa peinture est.

« Inner light » ou « Rêverie sur l’aiguille du midi » vous retiennent, libres dans la simplicité/complexité du mouvement, l’un se lançant dans l’incandescence des couleurs qui vous emplissent l’âme, l’autre à l’assaut des bleus qui vous emprisonnent le regard.

Le jeu de l’espace, en touches lumineuses, coulant comme vie ou comme par accident, dégage un esprit parlant en paliers apposés, sans hâte mais non sans acuité dans l’envol.

Rana Raouda est. Simplement. Peu importe d’écrire longuement ou non sur son œuvre. Elle se passe de tout mot.



Exposition, du 6 au 29 décembre 2012
Vernissage à 18 heures en présence de l’artiste
Galerie Art on 56th
56th st. Gemmayzeh
Beyrouth

jeudi 1 novembre 2012

Clin d’œil : Centenaire de la naissance de Léon Gontran Damas. Témoignage vivant de Gisèle Bourquin (3)



L.G. Damas
Nous voici arrivés au terme d'une commémoration vivante par le biais des paroles de Gisèle Bourquin qui, rappelons-le, a connu Léon Gontran Damas alors qu'elle était jeune étudiante. Elle-même a eu et a un parcours passionnant et ses expériences sur plusieurs continents lui ont donné le goût de créer Femmes au-delà des Mers dont le lecteur pourra connaître les grandes lignes en fin d'article.


Léon Gontran Damas, un passeur
" Il m’a complaisamment parlé de la genèse de la négritude et du trio Césaire, Damas, Senghor. Seulement une fois, il m’a fait remarquer que j’aurais pu travailler également sur ses écrits : je n’ai senti ni jalousie, ni colère, une simple remarque -bien pertinente au demeurant !-
Pour m’illustrer ce qui les différenciait de ses deux autres « frères de combat » : « Moi, je n’ai pas de complexe vis-à-vis des blancs : ils étaient nos boys à Cayenne ».
Je n’oublierai jamais cette démonstration sibylline : à cet instant, j’ai saisi l’importance de la construction mentale et garde cette réflexion structurante comme un trésor.

Générosité, ouverture: un passeur, médiateur: Il avait le don de mettre en relation, de partager. Il n’agissait pas par convenance, il suivait son instinct. Les visiteurs se rencontraient ou se croisaient dans son séjour en un ballet incessant. J’avais été frappée par une étudiante venue de Barbade pour travailler sur son œuvre, preuve s’il en est qu’il était déjà, à l’époque, reconnu hors du petit cercle français.

Ce qu’il m’a apporté
Gisèle Bourquin
(Reproduction interdite)
Cet homme rebelle, cet homme de conviction, non conformiste, m’a appris la liberté, le discernement. Damas, sans le savoir, a orienté mon parcours et si j’ai pris un départ dans la vie en commençant par l’enseignement à l’université en République démocratique du Congo, c’est l’heureuse conséquence de cette période. Ma vie professionnelle a commencé en Afrique. Après le Congo, je pars au Moyen-Orient : c’est à cette période que je perds le contact avec les Damas : ils s’installent à Washington.

Washington où, à dessein, j’ai effectué le mois dernier, septembre 2012, comme un pèlerinage à la Howard University. J’ai eu le grand privilège d’aller sur les traces de Damas. J’ai eu un long et bel échange avec le professeur Ethelbert Miller, grand poète, à la bibliothèque de cette célèbre université. Le professeur Ethelbert Miller m’a raconté qu’à Washington, lors d’une rencontre, toutes les hautes personnalités se sont présentées à la tribune avec force titres et faits de gloire. Quand ce fut le tour de Léon Gontran Damas, il a simplement dit d’une voix ferme : « Damas » et rien d’autre. Fi des fioritures, ça, c’était lui !
Des deux côtés de l’Atlantique, la même perception, la même admiration pour Damas.

Les mots, authenticité, rébellion, liberté, dignité, désaliénation, ne lui étaient pas étrangers. Et aujourd’hui, je suis « debout », selon une expression de ma Martinique natale et poursuis mon chemin grâce à tout cela. La création d’un réseau d’échanges et de transmission de savoirs par-delà les océans, aujourd’hui incarné en l’association Femmes au-delà des mers, en est nourri.

Stèle sous laquelle
repose L.G. Damas.
Du singulier à l’universel
Au-delà de mon cas personnel, je peux affirmer que Léon Gontran Damas avait du rayonnement. Il a spontanément éveillé des consciences, tracé la route. Et ce qu’il a semé généreusement sans calcul et sans être doctrinaire sont les racines du futur !

Quels héritiers ? Moi ! Vous ! Nos enfants ! Quels héritages au seuil du XXIème siècle ? Certains héritages ont déjà émergé, il en reste beaucoup à inventorier et à valoriser.
Ce témoignage m’apparaît comme le maillon d’une chaîne à renforcer perpétuellement, celle de la fraternité entre les hommes de tous horizons. "

Arabian People & Maghrebian World remercie Gisèle Bourquin d’avoir bien voulu lui confier son témoignage sur le poète Léon Gontran Damas.


Femmes au-delà des Mers
Est une association qui a trois objectifs essentiels : « une synergie de savoirs et d’expertises multiculturelles issue des femmes originaires de l’Outre-mer et au-delà...». Ces échanges abordent de grandes questions comme l’éducation, le patrimoine, la recherche scientifique. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à une simple conceptualisation de ces savoirs et expertises. L’organisation envisage non seulement de développer un réseau d’échanges et de transmission des savoirs, mais également de mettre en place un immense projet, Mémoire et Patrimoine, qui se veut de « conserver des empreintes grâce à des contributions personnelles pour servir une vision plurielle de ce qui fonde » nos sociétés et cela, à partir d’une « réalité d’expériences vécues ».
Toutes les femmes au destin non médiatisé, via leurs compétences, leurs activités, leurs centres d’intérêt -ces femmes de l’Outre-mer (et d’ailleurs)- sont cette « passerelle de savoirs liés aux femmes ».

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