mardi 8 août 2017

La production du sens dans les vidéoclips (2e partie)



Duygu Öztin Passerat est Chef du département du FLE à l’Université Dokuz Eylul-Izmir (Turquie). Professeur et intervenant reconnu dans le milieu universitaire de plusieurs pays, elle travaille sur l’argumentation dans le discours politique (en Turquie). On lui doit notamment « Le discours implicite à travers l’oralité dans Le passé simple de Driss Chraïbi », « Le discours politique de victimisation » (paru sous le titre original de « Siyasal Soylemde Magduriyet »), « Passions dans Sémantique structurale : du modèle actantiel vers la sémiotique des passions ».


L’énonciation dans les vidéoclips
Comment fonctionne l’appareil énonciatif dans les vidéoclips et quelles sont les étapes constitutives d’un acte énonciatif (productif) des vidéoclips ? Les vidéoclips sont tournés, en principe, après la production (l’écoute ou l’interprétation) de la chanson. C’est-à-dire que l’énonciation des vidéoclips nécessite toujours une énonciation antérieure : c’est celle de la chanson. De ce fait, ils sont doublement énoncés. Autrement dit, les images dans les vidéoclips doivent leur existence aux chansons produites précédemment. Ci-dessous le schéma illustrant des étapes d’énonciation des vidéoclips :


Comme le montre le schéma, la transformation des sujets énonciateurs à ceux d’énonciataires permet également à la transposition d’un langage articulé au langage non articulé (visuel). On peut donc affirmer que l’énonciation des vidéoclips est basée sur la coexistence de deux langages dont l’un a choisi pour support, la musique et des mots, dans le sens hjelmslévien, et l’autre, des images dont la substance est constituée de la forme, la couleur, la surface, lumière, etc.
Quant à la transformation des sujets, le chanteur, sujet énonciateur du premier énoncé, a deux sujets énonciataires [1] : l’auditeur et le réalisateur du vidéoclip. Et le réalisateur se transforme, dans la deuxième étape d’énonciation, au sujet énonciateur alors que son sujet énonciataire se transforme au spectateur puisqu’il s’agit de la transposition du langage verbal au langage visuel.
D’autre part, le sujet énonciateur de la première énonciation (de la chanson) se transforme à l’un des sujets du deuxième énoncé (le vidéoclip) car le chanteur reste comme sujet principal ou le héros dans la plupart des vidéoclips. Le chanteur chante pendant qu’il joue son rôle. La première raison d’en est le désir d’établir une correspondance entre la dimension auditive et la dimension visuelle: le langage auditif envisagé comme signifié et le langage envisagé comme signifiant tendent à se compléter. La chanson s’adressant à la première personne du singulier “je”nécessite de garder “le même je”dans le vidéoclip. Par exemple, Tarkan, sujet énonciateur de la chanson de “je te promets, je viendrai” reste comme le sujet de l’énonce visuel (vidéoclip). Une autre raison plus est que les vidéoclips sont produits également pour la promotion du chanteur. Il faut ajouter que certains chanteurs assument, à chaque étape de l’énonciation,  tout rôle de sujet en tant que compositeur, chanteur et réalisateur.

Types de clips
Si l’on considère les vidéoclips comme un langage ayant un aspect signifiant et signifié qui trouve son équivalence dans les paroles de chanson, on peut avancer que le rapport entre ces deux aspects est analogique ou arbitraire. Dans le premier cas, les paroles de la chansons (la signification) constituent un métalangage dont le langage-objet est les vidéoclips. La chanson assume un rôle similaire à celui d’un scénario dont le langage-objet est le film à tourner. Mais le chanteur ne donne jamais les directifs au réalisateur, contrairement au cinéma où ceci est de règle. La production du vidéoclip, dans ce sens, ne consiste qu’à transposer ce qui est exprimé dans le langage naturel (verbal) au langage visuel. Dans ce types de clips, les deux aspects (signifiant et signifié) complètent l’un l’autre.
En revanche, certains clips possèdent un langage ayant des rapports incompatibles entre l’aspect signifiant et celui de signifié. Autrement dit, les paroles de chanson, considérés comme la dimension figurative (contenu), ne correspondent pas à celles des images-signifiants. Ceci dépend de la volonté du réalisateur. En bref, nous pouvons affirmer que  les vidéoclips peuvent être divisés en deux catégories: ceux qui se réfèrent à la chanson sur laquelle ils sont fondés et ceux qui ont des références distinctes que celles de la chanson. On peut appeler les premiers les vidéoclips dépendants et les autres les vidéoclips indépendants.
(A suivre)




[1] L’auditeur est toujours le sujet énonciataire de la chanson; et le réalisateur assume le rôle de sujet énonciataire lors du  tournage du vidéoclip de la chanson. Ces deux sujet énonciataires sont réels. Mais, il existe, au sein des chansons, le sujet énonciataire imaginaire ou fictif qui peut être identifié par la personne à laquelle la chanson s’adresse. Par exemple, le sujet énonciataire de la chanson intitulée « ne me quitte pas, reste » est la personne à qui l’on s’adresse.

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