samedi 30 avril 2011

Lamia Berrada-Berca : quand le rouge n'est pas un péché ...

Un petit roman dérangeant que ce « Kant et la petite robe rouge ». Dérangeant parce qu’il est tel un couteau pénétrant le conscient caché sous la burqa d'une jeune femme qui tisse ses journées dans le silence. Dérangeant parce qu’il vous met votre regard dans un miroir et dérangeant, parce que vous vous regardez dans ce miroir.

L’écriture est toute en densité. Elle n’est pas un fleuve s’étalant, s’étalant, s’étalant pour faire semblant que c’est un roman. Lamia Berrada-Berca va dans le minimalisme et autant que son personnage féminin s’étale dans son désir de la robe rouge qu’elle voit dans une vitrine, autant les mots vont à l’essentiel : la tessiture serrée de l’histoire car « Pour être dans la vie, il faut pouvoir effacer la frontière invisible mais infranchissable qui sépare monstrueusement le dedans du dehors ».

En un tour de mots, l’auteure veut effacer ce dedans qui emprisonne autant que ce dehors «monstrueusement » séparé du premier. Au-delà du désir d’une simple robe en vitrine et de couleur rouge, le personnage d’Aminata s’approprie son propre être. Celui que l’époux ne connaît pas et qui flamboie dans l’ombre de l’attente soumise/muette mais ô combien parlante ... parce qu'une «robe rouge est une forme d'idée / Une vision du monde / Un grand désir d'être».


Lamia Berrada-Berca, « Kant et la petite robe rouge », aux éditions La Cheminante, 2011 – Tél./fax : 05 59 47 63 06 – Site : www.metaphorediffusion.fr

jeudi 28 avril 2011

Sharjah International Bookfair : mission de promotion de la littérature dans le monde arabe

M. Ahmed Al-Amri au stand de Sharjah
31e Salon du livre de Paris.
Photo Arabian People 
& Maghrebian World.
Arabian People & Maghrebian World a eu le plaisir d’interviewer Ahmad Al-Amri, directeur de Sharjah International Bookfair, qui représentait Sharjah (Shariqa) pour la première fois au Salon du livre de Paris, pour l’année 2011. Il faut dire que très peu d’éditeurs du Proche-Orient arabe étaient présents à la 31e édition du salon quand on sait, par ailleurs, que des éditeurs dans le monde arabe et du Maghreb tentent une véritable politique dynamique de l’édition du livre.

Arabian People : Pouvez-vous présenter Sharjah International Bookfair aux lecteurs d’Arabian People & Maghrebian World ?
Ahmad Al-Amri : Le salon du livre international de Sharjah a été fondé, il y a plus de 30 ans. C’est l’un des salons du livre le plus renommé dans le Moyen-Orient. L’an dernier, Sharjah International Bookfair a eu plus de 500 000 visiteurs, avec 785 maisons d’édition, avec 48 millions de dollars de ventes ou d’achats et de contrats de livres.
250 différents programmes durant ce salon du livre : des programmes culturels visant les enfants, adultes et professionnels. La vision de Sharjah International Bookfair est d’offrir une vision dans le monde arabe et, en particulier, à Sharjah, une vision culturelle et de promotion de la littérature dans cette région, et surtout à Sharjah, introduire les différentes cultures du monde aux habitants de la région et ainsi promouvoir la littérature et favoriser des relations d’amitié à travers la littérature.

M. Al-Amri présentant un livre
du Sheikh Sultan Al-Qasimi.
Photo Arabian People
& Maghrebian World.
Arabian People : vous avez trois départements très précis au sein de Sharjah International Bookfair, pouvez-vous nous présenter, nous en dire quelques mots, de sorte que les lecteurs d’Arabian People sachent ce que vous faites actuellement et donc, la dynamique de votre politique d’édition ?
Ahmad Al-Amri : Le premier département, c’est la maison d’édition Al-Qasimi qui publie les livres de son Excellence le Sheikh Dr. Sultan Al-Qasimi dont la vision est d’introduire dans le monde arabe un côté historique et culturel de leur propre monde à travers la littérature. Le contexte de ses livres tourne autour de ce thème. Il est titulaire de deux doctorats, en histoire et en géographie. Il a écrit et publié plus de cinquante ouvrages dont la majorité a été traduite en français, en anglais, espagnol, russe, ourdou et en italien. Sa vision, en particulier, est de voir arriver le jour où tout le monde arabe pourra lire et, à travers la littérature, pourra apprendre sur sa région, son héritage et sa culture ; c’est aussi son idée de venir exposer au Salon du livre, cette année, pour introduire auprès des différentes communautés arabes présentes à Paris et en France, la culture et l’héritage du Moyen-Orient et de la région des Emirates.

Arabian People : Vous venez de répondre à la première partie de notre question ... quant à la seconde partie ?
Ahmad Al-Amri : Elle concerne le département de la culture et de l’information qui vise surtout les personnes beaucoup plus équipées, très intéressées par la culture et les questions historiques ; ce sont des livres plutôt spécialisés dans ces domaines et ils tournent autour des arts comme par exemple l’introduction à l’histoire des arts, du théâtre, du roman et de la nouvelle, la musique, tout l’aspect culturel par le côté historique. Le département a lancé aussi un concours, le Prix de la créativité (Creative Award) qui est ouvert à toute personne intéressée du monde arabe, avec un prix de 5 000 dollars et le département de la Culture et de l’Information publiera et diffusera ce livre. Il organise également quelques événements dans le monde, avec toujours de promouvoir, la littérature, la culture, l’art que ce soit par le théâtre ou la musique.

Livres Jeunesse édités par la maison d'édition
de la Sheikha Boudour Al-Qasimi.
Photo Arabian People & Maghrebian World.
Arabian People : ... pour ce qui est de la troisième partie de notre question: qu’en est-il du département Livres Jeunesse ?
Ahmad Al-Amri : Le troisième département est la maison d’édition « Kalimat » livres Jeunesse – qui appartient à  Sheikha Boudour Al-Qasimi – est là pour promouvoir la langue arabe auprès de toute la nouvelle génération, pour cette simple raison qu’il n’y avait pas beaucoup de livres Enfants dans le monde arabe ; c’est donc pour introduire la langue arabe et promouvoir la lecture à travers le livre Enfants.
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Pour complément, voir :


lundi 25 avril 2011

Djilali Bencheikh, un auteur qui aime "vadrouiller à travers le genre humain"...

Djilali Bencheikh. Photo
Arabian People & Maghrebian World.

Djilali Bencheikh est une personnalité qui n’a de cesse d’étonner celui qui l’aborde pour la première fois. Romancier nous montrant la face cachée de sa tendresse pour sa mère dans un écrit intitulé « Lella » qui est paru dans un recueil de textes d’auteurs sous le titre de « Ma mère» (Editions Chèvrefeuille étoilé, France), journaliste et critique littéraire connu pour sa chronique littéraire « Au fil des pages » à Radio-Orient, il est l’image d’un auteur qui s’impose non pas comme une icône au-dessus de son Olympe, mais d’une tout autre manière : la simplicité de son accueil, sa disponibilité... Beaucoup d’humour derrière une courtoisie de bon ton et l’interlocuteur sort enchanté après une rencontre avec Djilali Bencheikh (1).

Cet humour est présent, d’ailleurs, dans son roman « Tes yeux bleus occupent mon esprit» (aux éditions Elyzad, Tunisie) dont le personnage-narrateur est un tout jeune adolescent qui peint l’atmosphère et les relations dans l’Algérie colonisée où la guerre d’indépendance montre ses premiers signes : « Zenzla, loubia, thaoura. Séismes, haricots blancs et Révolution. Voilà le triptyque singulier qui marquera mes dix ans et cette tumultueuse saison 54 ». Un humour tout de même temporisé par la dramatique situation du peuple algérien dont il rappellera : « Aux attaques imprévisibles des frères répondent une succession de vexations, de rafles, d’internements, avec un couvre-feu infernal imposé à la population musulmane ». Le tout est relié au premier amour du jeune garçon pour une adolescente du même âge qui le bouleverse avec ses yeux si bleus, de ce bleu qu’il n’aime pas d’ailleurs et encore moins parce qu’il est le symbole du drapeau de l’occupant. Entre les deux, un récit empli de doutes, de promesses à soi-même, de regards légèrement indulgents pour les « harkis », les collaborateurs de l’ennemi non pas parce qu’ils collaborent mais parce qu’ils sont devenus des parias : une peinture de vie en ce temps-là pourtant encore si proche et entrecoupée d’une soif pour le savoir...

C'est donc dans un contexte des plus chaleureux qu'Arabian People & Maghrebian World sera « reçu » par Djilali Bencheikh au Salon du livre 2011 de Paris ... 


Arabian People : Vous venez de dire, en aparté, que vous n’aviez pas d’a priori en ce qui concerne une identité particulière.
Djilali Bencheikh : En tout cas, en ce qui concerne la zone maghrébine ! Par exemple, je suis né en Algérie, je suis Algérien et suis fier de l’être, mais j’aurai été tout aussi fier d’être Marocain ou Tunisien. D’ailleurs, je vais souvent en Tunisie, ne serait-ce qu’en raison de la présence de mon éditrice tunisienne. Maintenant, je commence à aller au Maroc et quand je visite ces pays, je me sens un Maghrébin complet. Donc, je ne tiens pas compte des considérations artificielles des frontières, frontières qui ont été, en fait, tracées par le colonisateur. Je préfère nomadiser, comment dire, vadrouiller à travers le genre humain, alors, je commence par mes voisins et mes amis. Et puis comme je vis en France depuis si longtemps, j’ai eu l’occasion aussi de rencontrer des personnes de toutes origines et de tous milieux et suis tout à fait heureux comme ainsi dans le Village planétaire. Voilà ce que je veux dire par là, mais je ne renie, évidemment, en rien mes origines, etc. - La question n’est pas là. C’est-à-dire qu’il faut bien comprendre que, dans ce monde troublé, il ne faut pas non plus mettre le patriotisme étroit partout. C’est bien de défendre son pays d’origine, d’aimer son pays d’accueil – les deux - mais il ne faut pas non plus se figer sur des frontières que j’appelle artificielles : je ne sais pas ... rencontrer un Suédois généreux et intelligent et un Algérien « méchant » (rire), je choisis le Suédois. Voilà ce que j’entends par là. Pour moi, j’aimerai bien que ma nationalité soit la Planète. Cependant, je n’oublie pas mes origines et notamment ceux, tellement nombreux, qui sont morts, qui se sont battus pour que l’Algérie vive son histoire, ait son identité. J’étais enfant quand l’indépendance est arrivée, je n’oublierai jamais. Mais à partir de là, on aurait pu prendre celle-ci comme tremplin et construire, s’ouvrir aux autres, former les jeunes dans un esprit de l’échange. Or, j’ai bien peur qu’un peu partout dans le monde et, notamment, dans nos pays africains, on s’est figé sur des identités nationalistes, étriqués, qui ont donné des carnages inouïs. Non, il y en a « marre », il y a trop de sang, trop de sang coulant inutilement.

Djilali Bencheikh aux côtés (à partir de la gauche) de l'auteur Yamen
Manai, l'éditrice d'Elyzad Elizabeth Daldoul et d'un représentant du
stand Tunisie au 31e Salon du Livre de Paris.
Arabian People : Votre dernier livre, que vous avez dédicacé au Salon du livre de Paris, donne une vision très rafraîchissante du regard qu’un jeune garçon avait, à l’époque, sur son univers pied-noir, sur la France. S’agit-il de vos réminiscences, de vos souvenirs de petit garçon ou est-ce un regard plus généraliste sur la société algérienne qui surgit à travers ce livre ?
Djilali Bencheikh : Vous faites sans doute allusion à « Tes yeux bleus occupent mon esprit » ? En fait, ce n’est pas le dernier mais l’avant-dernier ... De toute façon, tous mes ouvrages, je les bâtis, les construis et les pétris à partir de la glaise, de la pâte de mes propres souvenirs, de mon propre vécu. Mais ce n’est pas une autobiographie intégrale. Parce que ma vie n’est pas intéressante à raconter ! (rire) Mais j’ai assisté à des épopées historiques intéressantes, instructives, passionnantes. En l’occurrence, « Tes yeux bleus occupent mon esprit » se passent entièrement pendant les sept années de la guerre de libération et, en même temps, pour l’enfant, l’adolescent plutôt que j’étais, cette période-là correspond à sept années d’internat que j’ai passées dans un bahut d’Algérie, « du temps de la France » comme on dit. Là-dessus, j’ai construit une histoire d’amour impossible entre un petit Algérien – qui pouvait être moi ou quelqu’un d’autre – et une Française aux yeux bleus magnifiques. Je raconte leurs origines sociales, le contexte de la guerre ; elle, fille d’un officier français, lui, fils de paysan et très nationaliste. Il est obligé de mentir sur ses origines sociales ; son père étant effectivement paysan, un journalier comme on disait, elle lui demande ce que fait son père, il répond « journaliste ». Le pire, c’est qu’elle le croit. Et évidemment, cela a été une sorte de prédestination puisque je suis journaliste aujourd’hui. Donc, ce sont bien des souvenirs personnels mais cette histoire aurait pu être vécue par n’importe qui...

Mon écriture, ce sont deux choses : premièrement, faire plaisir au lecteur, ne pas l’ennuyer. Je suis un lecteur tellement passionné que si l’on m’enlève les livres, je me meurs. Il m’est arrivé, à l’internat, quand on éteignait les lumières, de lire à la lumière de la lune : un jour, mon frère m’avait surpris à lire à la lumière de la lune car je n’avais plus de piles dans ma lampe électrique sous les draps. Je pense au lecteur pour son plaisir et je lui bâtis une histoire agréable où il y a du suspens.

J’ai aussi une deuxième intention, celle de laisser non pas un message mais des traces, des images documentaires pour les futures générations, celle d’aujourd’hui, celles de demain. Quand un jeune d’aujourd’hui lira « Tes yeux bleus occupent mon esprit », il aura des images très précises, beaucoup plus précises et concrètes sur la guerre d’Algérie sur les relations politiques, humaines, etc. pendant le colonialisme, qu’un cours d’histoire fastidieux, avec des dates, des chiffres, des noms de martyrs, qui risquent d’ennuyer un apprenti, un collégien. Je pense qu’avec une histoire romanesque, les images se fixent plus facilement. Voilà ma contribution aux patrimoines universel et algérien.

Arabian People : Nous avons l’habitude de poser la même question à la fin d’une interview : si vous deviez vous définir par un seul mot, quel serait-il ?
Djilali Bencheikh : Il y a, en fait, deux mots qui me sont très chers -que je vais vous dire puisque je serais obligé de choisir-, c’est « volupté » et « tendresse ». Je choisis la tendresse. Pourquoi ? C’est la « hanana » quelque part, c’est une philosophie de la vie ; ça contient de l’amour au sens classique du terme, de l’amour au sens féminin si on peut dire de séduction ; ça contient la tolérance de l’autre. Mon souci à travers ce mot, à travers ce comportement, c’est d’en finir avec les rapports heurtés, brutaux ; en finir avec l’égoïsme. J’ai toujours été contre l’individualisme, les gens qui parlent d’eux-mêmes ... Je crois que l’humilité est une des caractéristiques fondamentales qui manque à l’être humain. Qu’est-ce que l’humilité ? Ce n’est pas la modestie – ne confondons pas - mais une forme de comportement sur lequel les autres s’arrêtent. Cela veut dire que ce n’est pas vous-même qui allez faire votre propre publicité, votre propre promotion ; vous avez la décence d’attendre que ce soit les autres qui disent qu’Untel est gentil, Untel est intelligent, etc. Et non pas vous-même qui faites votre autopromotion.
Après ça, la tendresse avant tout. Quand je fais mes dédicaces, par exemple, régulièrement et souvent, je finis, quelles que soient les personnes, proches ou pas, par un peu de tendresse à la fin.

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(1) L'auteur qui a publié, entre autres, "Mon frère ennemi" (Ed. Séguier), a été récompensé par le Prix Maghreb de l'Association des Ecrivains de langue française pour son roman "Tes yeux bleus occupent mon esprit".

jeudi 21 avril 2011

Nessma TV : bel « Hommage à la Palestine »


... et particulièrement aux femmes et artistes palestiniennes ... Une semaine d'« Hommage à la Palestine », avec beaucoup de culturel surtout. Emotion et solennité sont au rendez-vous qu’a donné la chaîne de télévision du Grand Maghreb, Nessma TV, autour d’invités et personnalités palestiniennes lors de l'émission « Ness Nessma TV » (Les gens de Nessma TV). Les chanteuses Rim Banna et Nadine Khatib ont chanté leur pays, telles deux fleurs surgissant du chaos, comme un symbole d’une culture qui ne veut pas mourir et donner des leçons de survie quand tout autour s’acharne à ne pas entendre les voix palestiniennes, hormis la rue du monde arabe et du Maghreb... Autant d’espérances malgré des décennies de déni par ailleurs, quand toute l’histoire est là pour attester de leur existence séculaire et pérenne...

La chaîne de télévision du Grand Maghreb a invité, pour une semaine, des personnalités politiques certes mais surtout le monde artistique et littéraire palestinien : les réalisateurs Elia Suleiman, Nasri Hajjaj (journaliste et écrivain également), Ula Tabari ; Ghaleb Jaber Ibrahim, directeur du Festival euro-arabe « Amal » ; Tamam Al-Akhak, artiste-peintre et pionnière des artistes-peintres palestiniens ; des poètes comme Ibrahim Nasrallah ou des musiciens et acteurs comme Aziz Maraka  ... et la championne de l’escalade, Suzanne Al Houby.
Une belle semaine en vérité qui réunit, pour la première fois – en mondiale, nous pourrions dire – autant de voix palestiniennes chaleureusement accueillies et applaudies sur le plateau de la chaîne de télévision du Grand Maghreb.


Le programme pour les prochains jours

Jeudi 21 avril 2011 à 22h40
Ibrahim Nasrallah, poète ; Ali Suliman, acteur ; Jawad Anani, qui fut antérieurement chef du protocole de la Cour Jordanienne ; Mohamed Salem Charkaoui, directeur des Affaires générales, l’Agence Bayt Mal Al-Qods Acharif et Sahar Khalifeh, chanteuse.

Vendredi 22 avril 2011 à 22h40
Leila Khaled, membre du Comité Central FPLP ; Fadwa et Qassam Barghouti, respectivement épouse et fils du leader Marwan Barghouti ; Raed Andoni, réalisateur et producteur, et Marwan Abado, musicien.

Samedi 23 avril 2011 à 22h40
La chanteuse palestinienne Rim Banna, le compositeur Marwan Abado, la troupe de Dabka « Ouf Dance », le groupe de Hip-Hop palestino-tunisien Checkpoint 303 et le groupe Wlad Alhara seront présents. La chanteuse palestinienne Nadine Khatib, ainsi qu'Eiad Sayegh, DJ palestinien (musique progressive House et Techno).
Mais le Maghreb sera présent à cette rencontre : le ténor tunisien Lotfi Bouchnak, le chanteur algérien Mohamed Rouane, la chanteuse marocaine Nabila Maan et la Chorale tunisienne El Bouheira.

dimanche 17 avril 2011

Clin d'Oeil : les 6e Journées internationales de la littérature d'Akyaka/Muğla

Du 13 au 15 mai 2011 auront lieu les 6e Journées internationales de la littérature d’Akyaka/Muğla (Turquie).

Organisée par la Municipalité de Muğla et sous son égide, cette grande rencontre réunit des universitaires de Turquie (le grand romancier et essayiste Tahsin Yucel, auteur entre autres de Yalan [Le mensonge], le Dr. Volkan Coşkun, des maîtres de conférence d'universités turques comme le Dr. Ayalp Talun Ince et la Dr. Tülay Akkoyun, auteure d'une thèse en 2001 sous le titre de « Un exemple d’intertextualité : Gide et Sarraute dans les romans de Orhan Pamuk », des poètes et artistes.

Au cours de ces trois journées se déroulant dans un site très prisé par le tourisme international, on abordera des thèmes comme « Le cinéma et la littérature », « La littérature enfantine » ou « La littérature postcoloniale » ainsi que des lectures de poésie d'Ahmet Telli (Turquie), de Mehri Shah Hosseïni (Iran) que nous avons présentée dans un précédent « Clin d'Oeil », et de Muhammad Bennis (Maroc).

mercredi 13 avril 2011

Isam Alsadi : quand le poème ressemble à son auteur


Par Monia Boulila

Isam Alsadi est un poète Jordanien, d’origine palestinienne, natif du village Arbouna, près de Jenine (Palestine).

C’est en Syrie qu’il fait ses études et sortira Licencié en Ingéniorat de l’Université d’Alep, ville très réputée dans le monde arabe et maghrébin sur le plan culturel et universitaire.
Entre 2002 et 2004, il intègrera l’Union syndicale des Ingénieurs et deviendra président du Club des Ingénieurs Jordaniens.

Cependant, au-delà de son parcours en tant qu'ingénieur, Isam Alsadi est surtout homme de culture et poète. Et non des moindres. C’est d’ailleurs pour cela qu’il sera appelé à présider, en 2000 et 2001, le Festival de la culture et des arts de Mu'tah (Jordanie).

Entretemps, plusieurs de ses poèmes sont publiés dans des journaux et revues jordaniens et arabes. Certains ont été traduits en français et en roumain, d’autres ont fait l’objet de publications électroniques.

Isam Alsadi  a participé à plusieurs manifestations culturelles et de poésie aussi bien dans le monde arabe qu’en Europe, comme notamment le festival Noptile de Poezie de la Curtea de Arges (Roumanie) en 2009.

Pour le poète (1), l’écriture est plus qu’un sens scriptural de son propre imaginaire ou de ce que son regard capte, elle « est une eau avec laquelle on se lave pour être digne de la vie ». Belles paroles de cet auteur qui a une foi pleine de dévotion – par-delà ses géniteurs- pour cette « mère » cachée mais dont le lecteur devinera bien le nom. Point n’est besoin de la nommer. Pour les uns, comme l’autre, il écrira en ce sens : « Je ne suis que le fils d’un père qui m’a ouvert les fenêtres de l’imaginaire quand le réel s’est rétréci ; et le fils d’une femme qui, par amour, m’a enfermé dans ses arcs et m’a éduqué d’avec le bâton de sa tendresse... j’étais alors un fils vertueux quelquefois, et je les ai déçus, d’autres fois... ».

De ses publications, on retiendra Suffoquer de nostalgie, un recueil de poésie qui a été publié par les éditions Azmina (Jordanie) et Pour ma mère, à ses yeux et aux chevaux, un autre recueil poétique publié au Liban.

Image
A propos d’un enfant qu’on peut appeler Mohammed Dorra

- 1-
Son sang est visible…

-2 -
Et l’innocence près de la barricade de son genou
Est visible

-3-
Il n’était pas encore prêt
Pour rassurer sa mère quand elle crie
Il ne s’est pas excusé auprès des rues
Quand elles se requerront des éraflures qui ont fait ses pas sur le trottoir

Il n’a pas rendu à la fille des voisins sa mèche de cheveux
Ni son jouet, qui a dormi la veille
Dans ses rêves

Il n’a pas écrit son cahier de dictée
Pour faire rimer le « y » dans Fedayin,
Et pour épeler le Gaza des noms,
Le jour où elle deviendra
Emblème de la carte

-4-
Il n’a pas quitté les enceintes
de la poitrine de son père…

-5-
Il fermait les boutons des ses veines
Au fleuve des balles
Ses rêves jouaient avec
Des papillons et un cerf-volant

Tel un poussin de colombe -
Il s’endormait sur les paumes de ses mains
Et il s’éveillait comme le ferait une colombe

Avec douceur
Avec douceur
Il s’effraye lorsqu’une colonne de soldats
Brise les miroirs du crépuscule

-6-
C’était un enfant
Comme nous l’avons vu
Et comme nous l’avons vu tous
Il est devenu des restes en lambeaux.
(Trad. de Monia Boulila)

...صورة

- 1 -
...دمه واضح

- 2 -
والبراءة عند متراس ركبته
...واضحة

- 3 -
لم يكن جاهزا كي
يطمئن أمه إذ تصيح

لم يعتذر للشوارع
إذ ستسأل عن خمش أقدامه للرصيف

لم يعد لإبنة الجيران خصلتها
ولا لعبتها التي نامت
مساء الأمس في أحلامه

لم يسطر دفتر الإملاء
كي يزن الهمزة في إسم الفدائي
وكي يتهجى غزة الأسماء
إذ تصبح رمز الخارطة

- 4 -
...لم يفارق أسوار صدر أبيه

- 5 -
كان يغلق أزرار شريانه
دون نهر الرصاص
وتعبث أحلامه
بالفراش وطائرة من ورق
كان يغفو – كما ينبغي لفرخ حمام – على
بطن كفيه
ويصحو
كما ينبغي للحمام
وادعا
وادعا
ويجفل حين يهشم رتل
الجنود مرايا الشفق

- 6 -
كان طفلا
كما قد رأينا...
وصار
كما قد رأينا جميعا
بقايا مزق
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(1) http://isamalsadi.maktoobblog.com/

mercredi 6 avril 2011

Yamen Manai : littérature et science, deux visions complémentaires


Yamen Manai est un jeune auteur qui a le regard incisif et passionné d'un jeune homme ayant pris la vie à bras le corps, s'appropriant celle-ci, y compris dans ses aspects négatifs, pour en faire un univers où il déambule parfaitement à l'aise ; le tout, avec une vision claire de ce qui s'entreprend, en Tunisie comme ailleurs, et dans lequel il entend bien s'impliquer. Auteur d'un tout premier roman La marche de l’incertitude, qui vient de paraître aux éditions tunisiennes Elyzad, en collection Poche, le romancier tunisien est arrivé à la littérature par la porte scientifique et cet apport donne une tournure assez curieuse à l'histoire qu'il raconte, entrecoupée en cela par les itinéraires étranges et fantasmagoriques de ses personnages, comme des sortes d'équations dont il ne délivre les solutions qu'au gré de son imaginaire.


© Photo Arabian People & Maghrebian World.
Reproduction interdite.
Arabian People : Pouvez-vous nous dire si vous aviez pensé, un jour, écrire un roman ?
Yamen Manai : Je viens d’un milieu relativement littéraire ; ma mère est institutrice et mon père est professeur d’université. J’ai grandi dans un environnement riche en livres et j’avais cet espoir de pouvoir, un jour, participer à cet univers et être, justement, rangé parmi les auteurs que j’ai tant admirés. C’est un rêve que je nourrissais en secret et pour lequel j’ai longuement travaillé. Ceci a donné un premier roman, La marche de l’incertitude, et bientôt un deuxième, La sérénade d’Ibrahim Santos. Mais ce ne sont que les premiers pas dans un univers vaste et exigeant. J’espère perdurer là-dedans.

Arabian People : Nous savons que vous êtes d’origine tunisienne, que vous êtes né en Tunisie mais que vous avez fait vos études en France : votre livre a une écriture que nous pourrions appeler, trivialement, extrêmement française. Mais y a-t-il, tout de même, une part tunisienne qui, selon vous, transparaît à travers votre écriture ?
Yamen Manai : ... je ne partage pas votre avis sur la connotation française de mon livre ou que son écriture soit extrêmement française. C’est une évidence qui saute aux yeux du lecteur. Ma façon d’écrire est, en fait, plutôt « orientale ». Je ne suis pas d’origine tunisienne, je suis Tunisien. J’ai vécu en Tunisie jusqu’à mes dix-huit ans. Pour moi, les classiques, ce n’est pas Zola, Sartre – même si aujourd’hui je suis en train de rattraper le train et suis en train de lire tous ces auteurs – ce sont plutôt les conteurs orientaux que sont Khalil Gibran, Naguib Mahfouz... Donc, c’est de cet univers que j’ai été imprégné et c’est ce souffle-là que j’essaie d’introduire dans l’écriture en français que j’entreprends. Je pense que les Occidentaux sont en quête d’une certaine atmosphère, un certain esprit de conte qu’ils n’arrivent plus à retrouver dans leur société moderne. Cette société est aujourd’hui très urbanisée, très confinée. L’imaginaire perd du terrain et disparaît petit à petit. Il y a dans ma culture d’autres façons d’expliquer les choses, d’autres manières de voir le monde. L’incertain, le hasard, le Bon Dieu… Des notions que longtemps l’Occident a rejetées à cause d’illusions de puissance et de maîtrise. C’est ce que j’essaie d’insuffler dans ce que j’écris et qui fait la singularité de ce roman-là.
Mais encore faut-il sauver cet Orient-là. La mondialisation finit par uniformiser les cultures et écraser les identités. Elle est souvent menée dans des buts illicites et par certains aspects carrément colonialistes, en voyant avant tout dans un peuple des parts de marché. J’espère que l’on va pouvoir sauver ce qui reste à sauver.

Arabian People : Donc, au regard de cette écriture que l’on voit, au vu de ce que vous venez de dire de manière très directe à la suite de notre précédente question très provocatrice, peut-on dire que cette tournure d’écriture que vous avez, cette forme de conte, est tout de même très ambivalente puisque votre formation d’ingénieur fait que vous avez une écriture, passez-nous l’expression, presque « analogique », qui fait que vous avez une écriture qui n’est ni tout à fait tunisienne, ni tout à fait française en réalité. Aussi, comment pouvez-vous dire que ce n’est pas le cas ?
Yamen Manai : Ma formation d’ingénieur peut intriguer des personnes du milieu littéraire. De plus, dans La marche de l’incertitude, il y a une part de « mathématiques » qui est là pour servir le roman en premier. C’est un « alibi » pour les personnages se retrouvent autour d’un nœud central. Mais les frontières entre le scientifique et le littéraire, comme entre les cultures ou les peuples, est juste la manifestation de la phobie d’un univers inconnu. Souvent, cette phobie n’a pas de fondement. La science est une façon de voir le monde, la littérature, c’en est une autre. Et les deux visions sont complémentaires. La science est un univers d’humilité : Quand un scientifique entreprend des travaux, il sait qu’il peut mourir sans pouvoir les achever parce qu’il est limité avec la technicité et les moyens de son époque. La science, c’est un flambeau qui se transmet. La littérature est plutôt un univers de démesure : on ne peut pas reprendre un Châteaubriand, un Abou El Kacem Chebbi ; l’œuvre est achevée, en son temps et en son époque.
Ce que j’essaie de faire, justement, c’est de réconcilier ces deux mondes-là et d’offrir aux lecteurs l’osmose entre ce que l’esprit tente spontanément de séparer : la science et un « monde » un petit peu plus occulte, que j’appellerai le folklore. De la même façon, je mets des mots français sur des inspirations arabes, orientales et maghrébines : j’aime bien construire des ponts entre ce qu’on pense injoignables : c’est possible, et cela quel qu'en soit le gap.

Arabian People : Nous avons pour habitude de poser toujours la même question à la fin de notre interview : malgré votre jeune âge, pourriez-vous nous donner le mot qui vous définit le plus ?
Yamen Manai : Le mot qui me définit le plus ... j’espère être un « humaniste ». En effet, je crois en l’être humain dans ce que j’écris ... Je préfère l’univers des contes aux polars noirs où on exhibe le mauvais côté des gens, ce qui est en soit quelque chose de très facile : la société d’aujourd’hui n’est pas en manque de faits divers et sait très bien les mettre en avant. Je suis pour croire en la bonté de l’être humain et pour, justement, écrire ce qui compte : avoir un regain d’espoir, un regain d’énergie face à un monde difficile. Je pense que c’est avec ce regard-là que je vois le monde et avec c’est avec cet œil-là que je peux l’exprimer. Donc, j’espère être humaniste. Cela peut être en rapport avec la jeunesse ; ça changera peut-être plus tard, l’expérience de la vie peut parfois corrompre. Mais j’espère garder le plus longtemps possible un œil frais sur tout ce qui se passe autour de moi...

La lampe de chevet ...


Ce mois-ci, La lampe de chevet a choisi pour vos lectures quelques titres qui nous viennent du Liban ...

"Nuits beyrouthines", ce sont les nuits chaudes de la capitale libanaise que l'on aborde d'avec "ses charmes secrets" et "ses rencontres irrésistibles". L'imaginaire s'entremêle aux "ambiances feutrées" et aux "portraits osés". Cet ouvrage collectif réunit de nombreux artistes et auteurs libanais comme le photographe Nadim Asfar, Raafat Majzoub (auteur de Fetish System), Malek Ghorayeb, le poète Antoine Boulad, l'artiste-peintre Diane Ayoub. - Ouvrage paru chez Tamyras, Liban - http://www.tamyras.com/.


"Sitt Marie-Rose" d' Etel Adnan, auteure et peintre, connue à Paris comme au Liban. Ce roman a reçu le Prix France-Pays arabes en 1977.
Réédité par les éditions Tamyras, ce récit du vécu d'une femme libanaise aujourd'hui disparue "raconte le tragique destin de Marie-Rose, institutrice pour des enfants sourds, chrétienne et ralliée à la cause palestinienne durant les premières années de la guerre du Liban..." "Sitt Marie-Rose" a été adapté au théâtre, en 2009, en Allemagne. - Editions Tamyras, Liban - http://www.tamyras.com/.




"J'ai le coeur à Palmyre", c'est la biographie intimiste d'une reine d'Orient, Zénobie, qui s'opposera à la présence romaine, affrontera l'Egypte alors toute puissante, et à la Perse. Son histoire commence alors qu'elle est faite captive par le César romain de l'époque, Aurélien : "Tu as eu ton triomphe, Aurélien, il fut grandiose. J'ai porté des entraves aux chevilles et des chaînes d'or aux poignets. Nue, recouverte des épaules aux mollets des pierres précieuses de mon propre trésor, j'ai marché du jour levant à la nuit tombée.../ J'étais sans crainte pour ma vie, mais inquiète pour mes fils. Que leur adviendrait-il, si faibles encore, si démunis sans moi ?"
Raphaël Toriel, l'auteur de cet ouvrage si d'actualité qui raconte une reine du passé et, surtout de  pièces  théâtrales, a reçu le Prix d'Ecriture Théâtrale 2004 du Petit théâtre de Vallières (France). - Paru aux éditions de La Revue Phénicienne, Liban - http://www.revuephenicienne.com/.


 "Alain Tasso : anthologie - 11 textes critiques", collectif. Les éditions de la Revue Phénicienne consacrent à ce poète, journaliste et peintre-calligraphe, une anthologie accompagnée de onze plumes (Hoda Adib, Issam Assaf, Mireille Issa, Jalal Khoury, Daniel Leuwers, Nimrod, Arkadiusz Plonka, Élie Yazbek, Movses Zirani, Sabah Zouein) et préfacée par Joseph Tarrab, le critique d’art et essayiste libanais.
Des illustrations faites par de grandes signatures complètent cet ensemble de témoignages d'auteurs et de textes et dessins d'Alain Tasso. - Paru aux éditions de La Revue Phénicienne, Liban - http://www.revuephenicienne.com/.
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