mardi 26 décembre 2017

Le Mot de la Rédaction : 2017, l’année du cynisme. 2018, l’année qui suit



Pandore ouvrant la boîte des maux.
Tableau de John William Waterhouse
.
L’on arrive au bout de cette année 2017, bien épuisante, sans qu’elle ait apporté un souffle nouveau, un répit, les conflits armés ayant à peine ralenti, toujours latents ou exacerbés. Et dans ce monde qui revêt de plus en plus les oripeaux de la déliquescence politique, du contrôle des réseaux de communication, d’une guerre culturelle qui officie sous des arcanes jouant à des enjeux qui n’augurent rien de bon - cela ira de mal en pis - les gens marchent au ralenti, faussement enjoués avec des semblants qui, à la fin, ne sont que spectres de vies.
Les naissances, les morts surviennent au cœur d'un jeu macabre entre un monde où la spiritualité est un bain de sang teinté de racisme et d’ostracisme purs, où la culture se vautre dans l’informel télévisé des jeux et des émissions qui se rient des téléspectateurs nourris à la bêtise encensée d’animateurs et d’humoristes répétant à satiété leurs vannes délirantes ou sectaires, où la littérature devient une coquille vidée par une logique commerciale qui défie le goût du lire et l’auteur qui s’interroge sur le but de son écriture.
Arabian People, Maghrebian World donne certainement dans le cynisme et livre ici des vérités éculées, s’interdisant tant bien que mal de se lamenter sur une boîte de Pandore, vidée depuis belle lurette, de ses maux jetés à tous vents, acculant l’Homme à l’autodestruction, jouant ainsi une pavane pour une Humanité exsangue.
Malgré tout cela, ce pessimisme exacerbé, cette pantomime tragique, gardons espoir et disons-nous que 2018 ne suivra pas.

mardi 19 décembre 2017

Clin d'oeil : Kim Jong-Hyun, l'adieu solitaire. Quand la solitude est ailleurs.


Ph. SHINee.
Il est des saisons où les vivants dédicacent de leur mort leurs adieux à ceux qui demeurent après eux. Il est des vivants qui, après un long parcours fait d’embûches ou de bonheur, ferment leur porte à jamais et l’on se dit : il était malade, il était âgé. Nous l’avons vu avec les adieux de Shadia, la chanteuse égyptienne, avec ceux des romanciers Jean Anglade, de Jean d’Ormesson, du chanteur français, Johnny Halliday, de la jeune actrice chinoise Xu Ting, emportée à l'âge de 26 ans par une leucémie. Décembre a fait pleuvoir ces départs comme la mort se penche sur bien d’autres peuples qui s’endorment dans les décombres rouge sang sans savoir s’ils seront demain parmi les vivants.

Ph. SHINee.
Et puis, il est des saisons où les vivants claquent leur porte sans crier gare, laissant le monde proche dans le désarroi et le sentiment de culpabilité : il était si jeune, pourquoi n’ai-je rien vu, n’ai-je rien compris, n'a-t-il rien dit. La mort en suicide est aussi terrible que celle donnée par le fusil. Celle de Kim Jong-Hyun, le chanteur et leader de SHINee, groupe K-pop sud-coréen. Il est parti, laissant cette lettre terrible où il nous interpelle : « Only I. I was utterly alone. It’s easy to talk about the end. » Adulé par la jeunesse sud-coréenne et à l’étranger, dont le groupe était classé au US Billboard World Albums du magazine nord-américain Billboard, Kim Jong-Hyun est parti, il y a deux jours à peine. Ces quelques mots sont insuffisants pour dire ce qu'il était, sa personnalité, ses espoirs profonds. De lui, l'on ne connaît que l'image publique, les moments où il offrait son sourire aux caméras ou aux photographes. Il est parti, avec sa douleur, dans le silence fracassant d'une chambre où personne n'était là pour lui dire les mots qui sauvent... « Lonely » est son récent et dernier titre, sa deuxième lettre d’adieu.



mercredi 6 décembre 2017

Jean Anglade, le chantre de l'Auvergne, n'est plus



Résultat de recherche d'images pour "jean anglade jeune"
Quelques deux semaines précédant Jean d'Ormesson, le romancier français Jean Anglade a fait ses adieux, le 22 novembre dernier, aux vivants. Romancier qui ne se cadre ni parmi les romanciers-philosophes, ni dans le roman populaire et pourtant ! Imaginez une soixantaine de romans dont certains s'en rappelleront comme "Les puysatiers", "Les ventres jaunes" et ses romans prenant pour scène l'Auvergne.

Image associéePrix du roman populiste (1957) pour "L'Immeuble TAUB", Prix des libraires (1962) pour "La Foi et la Montagne", Prix Arverne (2007) pour "Le temps et la paille", Prix des Libraires, il a aussi écrit des biographies comme celle consacrée au romancier Hervé Bazin - souvenez-vous de "La vipère au poing" - et des ouvrages d'histoire.

Jean Anglade pour qui l'Auvergne était une "fourme inépuisable dans laquelle (il mordait) depuis plus d'un demi-siècle"était âgé de 102 ans.



10e Festival Strasbourg-Méditerranée 2017


Beauté du poème avec la poétesse syrienne Maram Al-Masri ; beauté musicale avec le quatuor Shezar ou le Ciccio Zabin Duo ; beauté voluptueuse avec la chorégraphie d'Ali Shahrour ; beauté cinétique avec En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui ; beauté bouleversante avec Echo-réfugiés : les exilés d'une planète en danger, le documentaire d'Hélène Choquette et Jean-Philippe Duval ; beauté des sons, de la gestuelle, de l'oralité, de la réflexion, de l'image, du dialogue autour des expositions, des conférences, des rencontres.

Le festival Strasbourg-Méditerranée est plein d'originalité et de couleurs-lumières venues de toutes parts du Bassin méditerranéen. Nous n'en dirons pas plus et invitons nos lecteurs à prendre connaissance de ce que propose le festival qui, en dix ans, a bâti sa scène vivante autour des belles voix de la Méditerranée.





Programmation : http://strasmed.com/festival/programme-2017pdf/

Site : http://strasmed.com/festival/

STRASMED

Maison des Associations
1A, place des Orphelins
67000 Strasbourg
Tél. : +33 (0)3 88 75 51 17


mardi 5 décembre 2017

Clin d’œil d'adieu à Jean d'Ormesson



L'écrivain français, Jean d'Ormesson, a fait ses adieux, dans la nuit du lundi au mardi, au monde littéraire et à ses lecteurs. Son stylo à plume qu'il affectionnait tant et dont il préférait l'usage à tout autre forme scripturaire ne remplira plus de pages blanches mais le romancier nous laisse un impressionnant parcours littéraire depuis son premier roman, L'amour est un plaisir publié par les éditions Julliard en 1956 - il était alors âgé de 31 ans - jusqu'à celui de Guide des égarés - qui n'a rien à voir avec celui de Maïmonide - sorti en 2016. Jean d'Ormesson était membre de l'Académie française.

Il est l'auteur d'une quarantaine de livres et a été récompensé par le Prix Jean Giono pour Le rapport Gabriel, le Grand prix RTL-Lire pour La douane de mer, le Prix de la Paulée de Meursault pour 100 Meursault, le Prix Jean Giono pour Le rapport Gabriel, le Prix Scanno pour Histoire du Juif errant, le Prix Balzac pour Au plaisir de Dieu, le Prix Barbi Colombini, le Grand prix du roman de l'Académie française pour La Gloire de l'Empire, par le Prix Combourg pour Voyez comme on danse et le Prix Jean-Jacques Rousseau de l'autobiographie pour Je dirai malgré tout que cette vie fut belle (2016). Il a également reçu, en 1990, le Prix du Mémorial, grand prix littéraire d'Ajaccio pour Garçon, de quoi écrire et pour l'ensemble de ses œuvres.

Ce fut une vie belle !




mardi 28 novembre 2017

Vertiges sous "L'oeil du cyclone", un film de Sékou Traoré



Réalisateur Burkinabé, Sékou Traoré a un palmarès en tant que producteur, auteur et réalisateur aussi. On se souvient notamment de sa participation en tant que producteur au long métrage de Laurent Salgues, Rêves de poussière, remarqué au festival de Tarifa et récompensé Meilleur long métrage de fiction. 
Aujourd’hui, Sékou Traoré nous donne un superbe et tragique long métrage, L’œil du cyclone, oscillant entre réalisme et fiction mais une fiction si proche de la réalité que l’on ne peut ne le considérer qu’en tant que film-documentaire. Tiré d’une pièce de théâtre du même nom écrite par l'auteur-comédien Luis Marquès, le film met en scène une jeune avocate qui se voit proposer de défendre un homme accusé de crimes de guerre : l’enfant-soldat. L’histoire, toute en force mêlant violence des gestes et violence verbale, nous plonge dans ce qu’a été la tragédie d’un pays brûlé par la guerre qui emportera dans ses sillons sanguinaires des centaines d’enfants transformés en tueurs.


Récompenses (outre les nominations)

. 8e Festival du Film Francophone d'Angoulême 2015 : une nomination.
. Rencontres Audiovisuelles de Douala, Prix Canal+. 
. 24e Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou 2015, trois prix : Étalon de bronze et deux prix d’interprétation féminine et masculine.
. Pan African Film and Arts Festival, Los Angeles 2016, Prix meilleur film.
. African Movie Academy Awards 2016, Nigéria, Prix meilleur film et Prix meilleur acteur dans un second rôle.

En salle 
L’œil du cyclone est actuellement à L’Entrepôt et au Lucernaire (Paris).

samedi 25 novembre 2017

Hussam Aliwat, quand le jazz dit son Orient



Ses études de cinéma ne semblaient pas le diriger vers la musique et, aussi, vers le jazz, un style de musique qui a, depuis quelques décennies, la faveur de jeunes  compositeurs et interprètes du Proche-Orient arabe comme le saxophoniste Toufic Farroukh, la chanteuse Lena Chamamyan, le trio Khoury ou le saxophoniste Ibrahim Maalouf.

Il s’appelle Hussam Aliwat et est déjà connu sur la scène française et européenne et, même, il a travaillé sur un projet – Nazharé – en duo avec le brésilien Ze Luis Nascimento. Bien qu’il ait étudié le cinéma, Hussam Aliwat n’a jamais lâché la musique et son instrument à cordes, le ‘Oud, depuis les premières années de son adolescence. Depuis son premier concert dans l’incontournable salle parisienne du New Morning qui a reçu de grands talents comme, notamment, le violoniste et compositeur de musique orientale et de jazz, le tunisien Jasser Haj Youssef, Hussam Aliwat a travaillé avec le compositeur de jazz suédois Lars Danielsson sur une création de celui-ci, European Sound Trend, a composé Black Birds, son premier album et jusqu'aujourd’hui; il dirige son propre quartet réunissant Sary Khalifé et Raphaël Jouan, tous deux violoncellistes et Paul Void, percussionniste.
Son doigté, la force de son jeu, sa composition lorsqu'on écoute Black Birds, vous inspirent et vous donnent une écriture symphonique mariée prodigieusement avec le violoncelle et une percussion qui se fond dans l'écriture musicale. Le cinéma est oublié, la musique est ce qu'elle représente pour Hussam Aliwat, elle dessine son cœur dans la volupté du 'Oud et la résonance instrumentale qu'apportent les autres acteurs du Quartet.

Concert le 28 novembre 2017 au Sunset.




mercredi 8 novembre 2017

"En attendant les hirondelles", un bel envol de Karim Moussaoui



"En attendant les hirondelles" du cinéaste algérien Karim Moussaoui
L'Algérie dans son décor sans apprêts : le naturel, les immeubles en construction, les massifs couleur ocre représentant indirectement le statisme, une musique un peu dérangeante pour seulement se concentrer sur les histoires, des dialogues, des regards qui ont leur réalisme. Trois histoires, trois personnages principaux, le personnage féminin pouvant être une représentation/symbole de l'Algérie, un médecin que Karim Moussaoui ne considère pas qu'il se sente responsable..
Pour l'ensemble des situations dans le film, il y a peut-être un même regard d'analyse du cinéaste pour qui "il faut tout remettre en question", qui se demande pourquoi "continuer de regarder le monde, de juger avec le même raisonnement qu'il y a vingt ans, avec les mêmes valeurs", face à une situation de crise dont le cinéaste ne dit pas qu'il "va jusqu'au fond" de la question mais qui est un film ouvrant "les champs du possible". 
Une musique que l'on retient, les chansons choisies comme le raï pour son rythme endiablé, pour alléger "la lourdeur", "la gravité" que le réalisateur n'aime pas parce qu'il souhaite voir le public s'amuser avec lui..
Pour l'ensemble des situations dans le film, il y a peut-être un même regard d'analyse du cinéaste qui se demande pourquoi "continuer de regarder le monde, de juger avec le même raisonnement qu'il y a vingt ans, avec les mêmes valeurs", face à une situation de crise dont le cinéaste ne dit pas qu'il "va jusqu'au fond" de la question mais qui est un film ouvrant "les champs du possible". 

En aparté, il faut noter que les hirondelles sont une espèce en voie de disparition en Algérie, un déclin dont l'une des raisons est l'urbanisation des régions rurales dans le nord, avec des constructions en verre qui remplacent les toitures en tuile rouge et jusque-là étaient des lieux de nidification des hirondelles. Une forte symbolique et l'on aimerait savoir si le réalisateur a conscience de cela pour l'intitulé de son film




mercredi 4 octobre 2017

Clin d'oeil : "Le plongeur" du Québécois Stéphane Larue récompensé par le Prix Senghor



Le plongeur de Stéphane Larue, un roman qui nous vient du Québec, a été récompensé, ce samedi à, Paris, par le Prix Senghor du premier roman francophone et francophile. 
Le prix Senghor a été créé, en 2006, par Dominique Loubao, fondatrice du salon littéraire La Plume noire. Dans ce roman écrit dans le pur français québécois, Stéphane Larue nous fait entrer dans le Montréal que ne connaît pas le touriste ordinaire, dans l'univers des bars et de la drogue, celui des accros au jeu comme le personnage qui narre son quotidien, le monde des employés de ces restaurants que n'oseraient pas fréquenter des personnes lambda. Ce roman peut sembler dur, excessif car l'auteur pose ses personnages dans ce qu'il y a du plus naturel réalisme. Il est un véritable coup de pied dans la fourmilière de toutes les catégories de romans d'aujourd'hui, il prend aux tripes et il faut s'accrocher - plus de 500 pages -. Il est dans la lignée, pour nous du moins, d'un Jack London, d'un George Orwell qui nous a donné, dans les années 20, son récit Dans la dèche à Paris et à Londres. Ici aussi, le narrateur - le plongeur - parle d'un Montréal avec la gouaille pleine de vigueur du français québécois nous obligeant à nous pencher non seulement sur son histoire mais, aussi, à chercher à en connaître un peu plus sur ce Montréal où la misère et la canaille sont peintes, somptueuses, pleines de vie et - oui, disons-le - avec cette pudeur abrupte qui ne dit pas son nom mais pousse notre curiosité à aller jusqu'au bout du récit !


Aux éditions Le Quartanier

Site : https://www.lequartanier.com/


Extraits :

samedi 30 septembre 2017

Beggar Hadda, résonance algérienne ancrée malgré l'oubli



Beggar Hadda. Sa voix monte jusqu’aux sommets de la chaîne des Zibans de l'est algérien et descend tel un glaive cherchant la douceur plutôt que le sang. Cette voix qui s’est éteinte, il y a de cela un peu plus d’une décennie et demie, n’a pourtant pas fini de se faire entendre et, particulièrement, auprès des esthètes, des nostalgiques et des chercheurs de voix exceptionnelles. Les sonorités à la fois acidulées et rocailleuses qui sont la marque de fabrique des voix féminines chaouies, n’existent que dans un registre apuré, éloignées des instruments de musique, hormis le galal et la flûte. Bien sûr, certaines interprètes s’essaient et l’on ne peut dire qu’elles réussissent mal, bien qu'elles soient rares, car elles transposent ces chants ancestraux jusqu’en notre siècle. Beggar Hadda a vécu au 21e siècle mais elle est un chantre antérieur, elle peut ne plus être au goût du jour mais elle est une voix surgissant des monts sauvages et se téléporte jusque dans les plaines et les Hauts plateaux que parcourent les hommes de la terre et les maquignons d’un autre âge.

Sa vie ne fut pas de tout repos, elle tournera dans la tragédie parce que ruinée, plongeant dans le monde de la cécité, oubliée des siens et du monde, acculée à la mendicité. Dans chaque repli des profonds sillons qui marqueront son visage et sa vie comme cette terre rude qu’elle a foulée, le rire et le pleur mélangés y ont laissé leurs traces. Et cela, jusque dans sa voix qui nous parle encore malgré ses adieux à cette terre qu’elle a aimée mais ne le lui a pas rendu. Partons à sa découverte. Écoutons Beggar Hadda avec "Les larmes de mes yeux". Simplement.



lundi 28 août 2017

Hassan Mimouni



Le peintre Hassan Mimouni ouvre les portes de son atelier pour une vente privée et cela, jusqu'au début de septembre (voir notre article http://arabianpeople.blogspot.fr/2012/05/hassan-mimouni-le-peintre-tisserand.html).




samedi 12 août 2017

La production du sens dans les vidéoclips (3e partie et fin)



Duygu Öztin Passerat est Chef du département du FLE à l’Université Dokuz Eylul-Izmir (Turquie). Professeur et intervenant reconnu dans le milieu universitaire de plusieurs pays, elle travaille sur l’argumentation dans le discours politique (en Turquie). On lui doit notamment « Le discours implicite à travers l’oralité dans Le passé simple de Driss Chraïbi », « Le discours politique de victimisation » (paru sous le titre original de « Siyasal Soylemde Magduriyet »), « Passions dans Sémantique structurale : du modèle actantiel vers la sémiotique des passions ».

Avec cette troisième et dernière partie de la communication « La production du sens dans les vidéoclips », Arabian People, Maghrebian World remercie le Professeur Duygu Öztin Passerat pour son aimable agrément à sa publication dans ces colonnes.



Les stratégies de production du sens dans les vidéoclips
Les codes de l’image
Le langage des clips est un langage analogue au langage naturel fonctionnant sur les axes paradigmatique et syntagmatique. La syntagmatique des images consiste en la coexistence des images tels que l’arbre et l’oiseau sur l’arbre ou la rue et une voiture dans la rue. Le paradigme des images est constitué d’une série d’images qui peuvent se remplacer et on pourrait l’appeler le paradigme des images contrastes ou des images similaires. Par exemple, l’image d’une avion et l’image d’une voiture (sur la voiture) ne peuvent pas coexister dans un même plan. Il faut choisir l’une parmi ces images. C’est le fonctionnement du système figuratif (iconique).
Quant au système des signes plastiques, il fonctionne de la même manière que celui des signes iconiques. La syntagmatique du système plastique est un axe sur lequel les couleurs, les formes, les dessins, les jeux de lumière peuvent coexister, alors que le paradigmatique est un axe fondé sur des signes exclusifs tels que le jaune et le blanc, le rouge et le violet, etc. Mais les images dans les vidéoclips ne doivent pas utiliser des objets conformes au réel. Comme nous l’avons déjà affirmé, la visualité ne se limite pas à la conformité au réel. Et les images, combinatoires des signes plastiques et iconiques déforment délibérément la visualité. Sinon, les images dans les films de science fiction et celles dans les tableaux surréalistes seraient qualifiées de non visuelles. Autrement dit, même si l’iconicité est dûe à l’imitation du monde extérieur, les images dans les branches d’art tels que la peinture, le cinéma, les vidéoclips etc. n’appartiennent plus au monde qu’ils représentent ou qu’ils signifient par leur catégorie chromatique et iconique; elles n’appartiennent qu’au monde imaginaire signifié par elles. Et le monde représenté par ces images n’est plus la réalité dans laquelle on vit.
C’est ce qui rapproche le langage visuel du langage poétique dans lequel on projette le principe d’équivalence de l’axe paradigmatique sur l’axe syntagmatique.[1] Les clips utilisent des signes iconiques ou des signes plastiques qui ne sont pas conformes au monde réel ou encore des images qui ne peuvent pas coexister dans le monde réel. Ils n’associent pas les images selon le principe d’équivalence. De plus, ils le rejette intentionnellement en vue d’attirer l’attention du spectateur sur le message et pour avoir des messages connotés. Ce faisant, ils essayent, à l’aide de la technologie, des divers formes d’expression: la diforme de substance de l’image; la coexistence des images colorées et de noir et blanc; la duplication de ce qui chante [2];  la transformation d’un objet à un autre[3]; la démonstration du chanteur en des petits carrés sur l’écran, etc.
La technique la plus fréquente (connue) utilisée dans la démonstration des images consiste à donner des images noires et blanches avec des images colorées. Par exemple,  si la chanteuse est montrée totalement  en noir et blanc, mais ses lèvres sont montrées (maquillées) en rouge.[4] Dans le vidéoclip de Sertab Erener, on déforme intentionnellement la substance de l’image pour établir une correspondance avec les paroles de la chanson intitulée “frappe mon coeur, frappe encore une fois”, car la difformité de l’image et l’interprétation de ces vers sont simultanés. Et l’on lit une notice d’avertissement sous l’écran “ne changez pas de fréquence”.
Certains clips, tournés après le grand catastrophe de tremblement de terre qui a eu lieu le17  août 1999 en Turquie, utilisent ce fait comme référence même si les paroles ne s’y réfèrent pas: on montre, à la place de la lune, une horloge qui montre qu’il est 3.05, l’heure exacte du tremblement de terre. Dans ces types de clips, on vise à produire du sens en manipulant la pré-connaissance du spectateur.[5]
L’échelle de plans/Les mouvements de caméra
Le délai d’énonciation visuelle des clips correspond généralement à celle de la musique, à savoir 5 ou 6 minutes. Ainsi que nous venons de l’affirmer, les clips recourent à tous les procédés d’expression de cinéma tels que le gros plan, le plan moyen, le travelling, le panoramique, le fondu enchainé etc. pour en faire la forme d’expression, pour elle-même.
On pourrait, de ce fait, définir l’énonciation du tournage des clips comme l’association des images avec la musique et les paroles, l’organisation des couleurs et des objets en cohésion, la disposition de l’échelle de plans et la fixation des mouvements de récepteur. En produisant du sens par ces divers composants, le clip met en oeuvre généralemet les formes d’éxpresion de la manière suivante :  le chanteur, defini ci-dessus, comme sujet énonciateur de la première étape de l’énonciation, se montre, en chantant, comme sujet de l’énonce. Ceci peut être identifié au fait qu’une personne qui parle dans les films soit visible sur l’écran. Ces formes d’expression montrent le chanteur le plus souvent par des plans moyens ou par des gros plans où le récepteur (spectateur) et la personne dans les images s’identifient. Ce type de formes d’expression est utilisé en général dans les clips où l’artiste seul est vu  sur l’écran.
Les autres procédés (techniques)
L’échelle des plans et le movement de caméra ne sont pas seuls les techniques utilisés dans les vidéoclips. Ces derniers, en produisant du sens, utilisent tous les procédés langagiers du cinéma tels que le fondu enchainé, le fondu au noir, le retour en arrière, l’écriture la voix-off, le champ-off, etc. Ces derniers (champ-off et voix-off) sont fréquemment utilisés, parce que’on n’entend que la voix du chanteur pendant que l’on montre des images qui n’ont rien à voir avec les chansons ou celles qui correspondent à la chanson. De ce fait, ils  sont utililisés dans deux types de clips: les vidéoclips dits dépendants et les vidéoclips dits indépendants.  Dans le premier cas, les images s’associent selon la  substance du contenu (ce que dit la chanson) et on utilise toutes les procédés du langage cinématographique. Par exemple, le clip ou la chanson intitulé(e) “le coquelicot (gelincik)” du groupe Ayna utilisent tous les procédés cités ci-dessus. D’autre part, pour montrer la fuite du temps, on donne même les dates, comme dans les films, en bas des images du clip intitulé “Le frivole" (hercai) de Çelik. Dans les vidéoclips qui ne sont pas en cohésion avec les paroles de la chanson, on montre le chanteur en dansant s’il danse bien, ou encore on donne, quoi qu’il ne soit pas nécessaire, les yeux en gros plan s’ils sont beaux. Les vidéoclips de Tarkan et ceux de Robert Hatemo en sont des exemples.
Par ailleurs, les chansons, prenant comme thème, en principe, un amour terminé, une séparation, il existe généralement, dans les vidéoclips,  une femme et un homme dont l’un est toujours le chanteur ou la chanteuse. Si c’est un chanteur, il est accompagné très souvent d’une femme belle et on la montre en donnant en gros plan les parties érotiques ou séduisantes de son corps pour attirer l’attention du spectateur au vidéoclip. S’il s’agit du clip d’une chanteuse, on l’opère inversement.  De ce fait, dans certains vidéoclips (en Turquie) la tentation de compléter la dimension thématique (chanson) et la dimension visuelle débouche sur la production des clips où sont démontrés, en des gros plans, des mannequins à moitié nu(e)s.





[1] Selon Jakobson, la fonction poétique projette le principe d’équivalence de l’axe de sélection sur l’axe de combinaison. Autrement dit, les mots qui pourraient se remplacer peuvent coexister. Ce fait s’exerce dans les poèmes, dans les figures de styles dans lesquels on joue avec les mots pour produire du sens. Par exemple, la phrase « les murs pleuraient » est impossible pour le langage parlé tandis qu’elle est utilisée dans les vers d’un poème. (Essais de Linguistique Générale, p.220)
[2] On a essayé cette forme d’expression dans le vidéoclip de « padişah  (empereur) » de Sibel Can.
[3] Cette forme de technique est réalisée à l’aide de l’ordinateur, par exemple, une trompette se transforme en un homme (chanteur) dans le vidéoclip de Haluk Levent
[4] Ce procédé est essayé dans le vidéoclip de Sezen Aksu intitulé « son nom est un secret chez moi »
[5] Ce type de clips ne dirait rien pour un spectateur qui n’est pas en courant de ce fait, ou encore pour ceux qui ne connaissent pas l’heure exacte du tremblement de terre. C’est pourquoi la signification dans certains clips est due aux motifs sociologiques. 

mercredi 9 août 2017

Clin d’œil à la Turquie : Tarkan !


Le chanteur turc Tarkan - de son vrai nom Tarkan Tevetoğlua un répertoire qui s'équilibre entre la soul et la pop et est connu aussi bien en Turquie qu'en Allemagne, au Mexique, au Japon et aux Usa. Il a été récompensé par le World Music Award à Monaco et a sorti quatorze titres à ce jour. Nous avons choisi cette douce balade qu'il dédie à son épouse et qui fait partie de son dernier album paru peu avant cet été.

Extrait

"İyi günde kötü günde
Sakla göğsünde
Sen bu kalbe iyi geldin
Benden hiç gitme
Tut elimden beni çok sev,
Kimseye vermeSeveceksen ömürlük sevBir günlük sevme"








("Dans les meilleurs jours et dans les pires.
Cache-les en toi
Tu as apporté du bien à ce cœur
Ne sors pas de moi.
Tiens-moi la main, aime-moi énormément
Ne le donne à personne
Si tu m'aimes, aime-moi pour toujours
Ne m'aime pas pour un jour.")








mardi 8 août 2017

La production du sens dans les vidéoclips (2e partie)



Duygu Öztin Passerat est Chef du département du FLE à l’Université Dokuz Eylul-Izmir (Turquie). Professeur et intervenant reconnu dans le milieu universitaire de plusieurs pays, elle travaille sur l’argumentation dans le discours politique (en Turquie). On lui doit notamment « Le discours implicite à travers l’oralité dans Le passé simple de Driss Chraïbi », « Le discours politique de victimisation » (paru sous le titre original de « Siyasal Soylemde Magduriyet »), « Passions dans Sémantique structurale : du modèle actantiel vers la sémiotique des passions ».


L’énonciation dans les vidéoclips
Comment fonctionne l’appareil énonciatif dans les vidéoclips et quelles sont les étapes constitutives d’un acte énonciatif (productif) des vidéoclips ? Les vidéoclips sont tournés, en principe, après la production (l’écoute ou l’interprétation) de la chanson. C’est-à-dire que l’énonciation des vidéoclips nécessite toujours une énonciation antérieure : c’est celle de la chanson. De ce fait, ils sont doublement énoncés. Autrement dit, les images dans les vidéoclips doivent leur existence aux chansons produites précédemment. Ci-dessous le schéma illustrant des étapes d’énonciation des vidéoclips :


Comme le montre le schéma, la transformation des sujets énonciateurs à ceux d’énonciataires permet également à la transposition d’un langage articulé au langage non articulé (visuel). On peut donc affirmer que l’énonciation des vidéoclips est basée sur la coexistence de deux langages dont l’un a choisi pour support, la musique et des mots, dans le sens hjelmslévien, et l’autre, des images dont la substance est constituée de la forme, la couleur, la surface, lumière, etc.
Quant à la transformation des sujets, le chanteur, sujet énonciateur du premier énoncé, a deux sujets énonciataires [1] : l’auditeur et le réalisateur du vidéoclip. Et le réalisateur se transforme, dans la deuxième étape d’énonciation, au sujet énonciateur alors que son sujet énonciataire se transforme au spectateur puisqu’il s’agit de la transposition du langage verbal au langage visuel.
D’autre part, le sujet énonciateur de la première énonciation (de la chanson) se transforme à l’un des sujets du deuxième énoncé (le vidéoclip) car le chanteur reste comme sujet principal ou le héros dans la plupart des vidéoclips. Le chanteur chante pendant qu’il joue son rôle. La première raison d’en est le désir d’établir une correspondance entre la dimension auditive et la dimension visuelle: le langage auditif envisagé comme signifié et le langage envisagé comme signifiant tendent à se compléter. La chanson s’adressant à la première personne du singulier “je”nécessite de garder “le même je”dans le vidéoclip. Par exemple, Tarkan, sujet énonciateur de la chanson de “je te promets, je viendrai” reste comme le sujet de l’énonce visuel (vidéoclip). Une autre raison plus est que les vidéoclips sont produits également pour la promotion du chanteur. Il faut ajouter que certains chanteurs assument, à chaque étape de l’énonciation,  tout rôle de sujet en tant que compositeur, chanteur et réalisateur.

Types de clips
Si l’on considère les vidéoclips comme un langage ayant un aspect signifiant et signifié qui trouve son équivalence dans les paroles de chanson, on peut avancer que le rapport entre ces deux aspects est analogique ou arbitraire. Dans le premier cas, les paroles de la chansons (la signification) constituent un métalangage dont le langage-objet est les vidéoclips. La chanson assume un rôle similaire à celui d’un scénario dont le langage-objet est le film à tourner. Mais le chanteur ne donne jamais les directifs au réalisateur, contrairement au cinéma où ceci est de règle. La production du vidéoclip, dans ce sens, ne consiste qu’à transposer ce qui est exprimé dans le langage naturel (verbal) au langage visuel. Dans ce types de clips, les deux aspects (signifiant et signifié) complètent l’un l’autre.
En revanche, certains clips possèdent un langage ayant des rapports incompatibles entre l’aspect signifiant et celui de signifié. Autrement dit, les paroles de chanson, considérés comme la dimension figurative (contenu), ne correspondent pas à celles des images-signifiants. Ceci dépend de la volonté du réalisateur. En bref, nous pouvons affirmer que  les vidéoclips peuvent être divisés en deux catégories: ceux qui se réfèrent à la chanson sur laquelle ils sont fondés et ceux qui ont des références distinctes que celles de la chanson. On peut appeler les premiers les vidéoclips dépendants et les autres les vidéoclips indépendants.
(A suivre)




[1] L’auditeur est toujours le sujet énonciataire de la chanson; et le réalisateur assume le rôle de sujet énonciataire lors du  tournage du vidéoclip de la chanson. Ces deux sujet énonciataires sont réels. Mais, il existe, au sein des chansons, le sujet énonciataire imaginaire ou fictif qui peut être identifié par la personne à laquelle la chanson s’adresse. Par exemple, le sujet énonciataire de la chanson intitulée « ne me quitte pas, reste » est la personne à qui l’on s’adresse.

lundi 31 juillet 2017

Arabian People, Maghrebian World, dix ans !





Arabian People, Maghrebian World a soufflé

ses bougies,

le 4 juillet 2017, il a fêté ses dix années d'existence !


Résultat de recherche d'images pour "logo 10 ans"
popstrap.com cookieassistant.com