lundi 17 décembre 2012

6e festival du film arabe d'Oran



Le 6e festival du film arabe d’Oran (Algérie) a ouvert, samedi, ses portes dans la capitale de l’ouest algérien et se tiendra jusqu’au 22 décembre 2012. Une belle sélection de longs et courts métrages, de documentaires et de films hors compétition s’offre aux passionnés du cinéma. 
Un hommage sera rendu à l’actrice algérienne Kalthoum (décédée en 2010) et au cinéaste italien Gillo Pentecorvo (disparu en 2006).

Les longs métrages en compétition

. On retrouve When I saw youle film d’Annemarie Jacir  (Palestine/Jordanie) récompensé par le Prix du meilleur film au festival du film d’Abu Dhabi ;
. 33 jours de Jamel Shoorke (Liban) ;
5eme corde de Selma Bergach (Maroc) ;
. El-Ustad (Le professeur) de Mahmoud Ben Mahmoud (Tunisie) ;
. The sail and the storm de Ghassan Shmeit (Syrie) ;
. Tora Bora de Walid Alawadi (Koweït) qui est surtout auteur de films-documentaires et dont cette réalisation est le premier long métrage ;

. Parfums d’Alger de Rachid Benhadj (Algérie). Le cinéaste a réalisé plusieurs longs métrages dont Le pain nu en 2005. Dans Parfums d'Alger, on retrouve la comédienne Adila Bendimered qui a remporté, tout récemment, le Prix de la meilleure actrice au 35e festival international cinématographique du Caire pour son rôle dans Le repenti de l’algérien Merzak Allouache;
. Wajda de Haifaa Almansour (Arabie Saoudite) ;
. Coming for by day de Hala Lotfi (Egypte) ;
. L’envie de Khaled Elhaggar (Egypte) ;
. My last friend de Joud Said (Syrie) ;
. Tanoura Maxi de Joe Bouaid (Liban) ;
. The last Friday de Yahia Alabdallah (Jordanie) récompensé par trois prix au Festival du film de Dubai et quatre prix au Festival de San Sebastian en Espagne ;
. Yema de Djamila Sahraoui (Algérie).

Pour en savoir plus sur les autres productions en compétition : http://fofafestival.org/index.php

dimanche 16 décembre 2012

Talent à découvrir : Maxime Lesimple


Réunion de Maxime Lesimple.
Rep. interdite.
Quelque part en région parisienne. Un week-end à un salon du livre, sous une pluie fine. Le public n’est pas présent comme l’on aurait pu s’y attendre. Les auteurs en dédicace sont là, dans l'attente.

Au détour d’une allée, un jeune homme, la vingtaine à peine passée, un grand book graphique sous le bras. Il s’appelle Maxime Lesimple, il a les gestes calmes mais le regard est brillant. Il est féru de graphisme et de photomontage. Il a fait des études pour cela car « le monde de l’art me passionne » dit-il, même s’il a d’abord commencé par la musique. Tout l’intéresse, tout le guide sur le difficile chemin de ce que l’on appelle communément « artistique ». Ce qui l’y pousse ? « Cette vision que j’ai des « arts », qui ne sont pas spécifiques et définis comme tels, mais qui, au contraire, s’étendent sur une infinité de possibilités ».

Naufrage de Maxime Lesimple.
Rep. interdite.
Sa série de photomontages retient la rétine. Travail patient, exigeant des lieux atypiques, voire isolés. Ensuite, c’est l’assemblage des scènes les unes aux autres pour donner Drama from Hell et Terra Nova : mise en scène se déclinant dans une réflexion en profondeur. L’intemporalité dépasse l’image, tout est dans l’exclusion du pragmatisme.

Le travail de Maxime Lesimple est prometteur et son nom est à retenir.



mardi 4 décembre 2012

Souvenir ancestral : Si M'Hand U M'hand


S’il est des mots du grand barde amazigh M’Hand U M’hand (Algérie) qui reflètent, plus que je ne saurai le faire, l’exil ressenti depuis des décennies par tous ceux qui ont perdu ou bien la foi en l’espérance, ou bien l’espoir en ce qui devrait leur faire chanter des lendemains heureux, ce sont bien ceux-ci :

Mon mal sans remède   /   L mehna w ur tesâi tt bib

M’a livré à l’exil    /    Teggyi d ayrib

Du plus lointain d’un souvenir que je ne connaîtrai jamais, ni aujourd’hui, ni après ma mort, Chantre de mon pays ocre, vous lancez votre message à ma mémoire fidèle...

... comme un vieux grand-père tendant sa main solidaire à la fille qui vivra l’exil éternel...

Mots doux à mon oreille mortifère, vous êtes la bougie ayant gardé sa flamme par-dessus les ans passés, testament de mon hérédité, puits de ma fécondité.

Ce jour, le souffle de votre voix m’est parvenu, comme feuilles de figuier enveloppant le fruit de votre chair,

Doucement transformant mon âme dans l’immortalité du souvenir tendrement prié...

C.A.

vendredi 23 novembre 2012

Galerie Feuillantines : Catherine Seghers et Rached exposent



La galerie Feuillantine est de ces lieux que l’on aime découvrir au fil d’une promenade dans ce quartier si douillet mais si surprenant qu’est le cinquième arrondissement de Paris. La fraîcheur des murs, l’intimité de cette galerie nous emportent loin de la fontaine Saint-Michel où le bruit et la fureur des cohortes de visiteurs, des motos, des magasins dégorgeant leur trop-plein sur les trottoirs agressent nos sens et notre vision.



Rached. Rep. interdite.
Ces jours-ci, elle abrite une série d’œuvres de deux peintres, Rached et Catherine Seghers, qui renforcent cette impression de distanciation avec les rues Buci, Jacob et autres où la sophistication règne même quand de bons artistes sont exposés.

Rached. Rep. interdite.
Elle renforce ce sentiment avec l’univers de Rached qui nous fait pénétrer dans un ballet aérien de visages et de silhouettes enfantines, entrecoupés par un regard sombre qui, malgré le chatoiement des couleurs, inquiète quelque peu. L’enfance, l’innocence ne sont jamais loin de cet apeurement qui transparaît dans le dit furtif des œuvres. 

C. Seghers. Rep. interdite.
Pourtant, on aime. On ne peut s’empêcher de succomber à la séduction du rouge sombre et des éclairages sur des temps comme révolus. Alice au pays des merveilles mais pas Alice dans l’innocence. Enfants tout en joliesse mais, aussi, tout en gravité. Dans l'espace et dans le temps. En suspension. Pour ne pas s'arrêter.

C. Seghers. Rep. interdite.
Catherine Seghers est dans un tout autre registre. Comme une échappée de ces aquarelles à l’encre japonaise ou chinoise. Curieusement, elle se relie comme inconsciemment au livre car si certains y voient du papier plié, nous, nous y voyons le monde du livre : autant de livres travaillés en éventails, ailes déployés de l'écriture en peinture. 
La fille de l’éditeur Seghers disparu a, comme par mégarde ou intentionnellement, imprégné son travail de son héritage.


Deux expositions à voir jusqu'au 20 décembre 2012
La galerie Feuillantine
d'André et Bérangère Sinthomez
17, rue des Feuillantines
75015 Paris
Tél. : 06 37 23 84 88 / 06 80 56 96 66

dimanche 18 novembre 2012

"Lire Assia Djebar" par le Cercle des amis de la romancière



L’œuvre de la romancière Assia Djebar a beaucoup fait l’objet d’études, d’analyses et de thèses. Parmi celles-ci, on peut noter la thèse de doctorat de Loubna Achheb (« Quête de soi dans la littérature algérienne d’expression française du désenchantement », précisément sur Rachid Boudjedra, Assia Djebar et Rachid Mimouni), le travail de Vera Lucia Soares (« A escritura dos silêncios. Assia Djebar e o discurso do colonizado no feminino ») ou bien les travaux de Christiane Achour et de Simone Rezzoug.

Le Cercle des Amis d'A. Djebar.
Ph. Arabian People & Maghrebian World.
Cependant, ce sera bien la première fois que des lecteurs se réuniront non seulement pour créer un cercle d'amis autour de la romancière, initié par Amel Chaouati, mais, aussi, pour écrire un livre sur l’œuvre de celle-ci. 
Aux voix des inconditionnels d’Assia Djebar s’ajoutera celle de Wassila Tamzali, de Kiyoko Ishikawa qui a traduit L’amour, la fantasia en japonais. Parmi ces voix aussi, intervient la peinture sous le pinceau et la poétique d’Anne-Marie Carthé (voir tableau ci-dessous).

Oeuvre d'Anne-Marie Carthé
en hommage à un roman d'A. Djebar.
Rep. interdite.
Les auteurs de Lire Assia Djebar ! viennent de tous horizons et se sont rencontrés autour d’une vocation de lecteurs assidus de l’écrivain, nous faisant découvrir de réels talents et des critiques littéraires avérés et parmi eux, il y a une écriture qui s’est révélée intéressante. Ainsi en est-il de Sonia Amazit avec son texte « Ebauche d’une voi(x)e voluptueuse ».

Amel Chaouati (à dte).
Ph. Arabian People & Maghrebian World






Un cheminement des plus intéressants, des plus surprenants parce qu'innovant car il s'agit là d'une première : jusqu'à présent, jamais de lecteurs n'auront écrit ou publié sur un écrivain. Le Cercle des Amis d'Assia Djebar l'a osé et le résultat est des plus sympathiques après ce qui fut, d’abord, une passion de lecteurs pour arriver, par la suite, à un regard de vrais critiques littéraires que les éditions de La Cheminante ont su discerner et retenir.


Lire Assia Djebar !
Editions La Cheminante
64500 - Ciboure
Site : www.metaphorediffusion.fr

Site du Cercle des Amis d'A. Djebar : http://assiadjebarclubdelecture.blogspot.fr/

Clin d'oeil : Bernard Faucon




Bernard Faucon.
Les chambres - La chambre d'or.
Il étudia la philosophie, il s’imprégna de théologie, il deviendra photographe et il s’éveille auteur. Il est Bernard Faucon, le rêveur des chambres d’amour et des mannequins buvant un diabolo menthe sur un arrière-fond de brûlure.

La galerie Berthet-Aittouares expose l’un des plus grands photographes que l’on connaisse à ce jour. Un photographe qui donne du vivant sur un feu ou une herbe bleutée et glacifiée ou encore, dans ce qu’il imagine comme « évolution probable du temps ».

Bernard Faucon.
L'évolution probable du temps.
Nous attendons de regarder des œuvres d’un homme pour qui le monde s’emprisonne dans un encadré, avec un jeu d’ombres noires et grises. Il n’en est rien. Bernard Faucon explose les cadres, il entre dans la rétine, il œuvre comme dans une pièce de théâtre, il est plus qu’un musée Grévin où les personnages de cire sont purs fantômes: ses mannequins d’adolescents réveillent une enfance, une époque, passant par-dessus les décennies, avec un rien de terrifiant dans leurs postures, dans leurs siestes désarticulées... chaque couleur, chaque détail, il en fait une histoire et plus qu'une émotion. Curieusement et cela peut être controversé pour qui ne sera pas en accord avec cette vision, il est comme un léger lien avec Tennessee Williams et sa "Baby dolls" que l'auteur a définitivement fixé dans le temps...

Bernard Faucon n’est pas à présenter, il est simplement à aller à sa rencontre, à toucher du regard le monde dont il écrit « Un jour nous aurons le bonheur » même si La chambre qui brûle nous dit le contraire. Mais dans celle-ci, peut-être faudrait-il voir la purification dans le purisme d’une pièce où ne règne qu’une table au milieu des flammes, car écrit-il encore « Mes images sont des pièges, des dispositifs, des ruses pour  attraper un peu de vérité. Par le calcul et les artifices de l’art, ouvrir des fenêtres sur des bonheurs, des paradis perdus».

Festival Photo Saint-Germain-des-Prés
Voyages et Rêves
BERNARD FAUCON
8 novembre - 8 décembre 2012
Galerie Berthet-Aittouarès
29, rue de Seine - 75006 Paris
Tél : 01 43 26 53 09 / 06 12 06 23 04

Dimanche 18 novembre 2012 : ouverture exceptionnelle de 15h à 19h. 

lundi 12 novembre 2012

Rana Raouda : les chemins sont multiples sous un seul pinceau



Rana Raouda, si éloignée géographiquement quand elle se calfeutre quelque part, en Seynod, là où trois ruisseaux se rejoignent pour mieux communier d’avec leurs eaux. L’artiste-peintre libanaise n’est pourtant pas retirée du monde car son pinceau dit les espaces qui emportent et s’emportent, au-delà des ciels libanais et savoyard.

Elle est. Sa peinture est.

« Inner light » ou « Rêverie sur l’aiguille du midi » vous retiennent, libres dans la simplicité/complexité du mouvement, l’un se lançant dans l’incandescence des couleurs qui vous emplissent l’âme, l’autre à l’assaut des bleus qui vous emprisonnent le regard.

Le jeu de l’espace, en touches lumineuses, coulant comme vie ou comme par accident, dégage un esprit parlant en paliers apposés, sans hâte mais non sans acuité dans l’envol.

Rana Raouda est. Simplement. Peu importe d’écrire longuement ou non sur son œuvre. Elle se passe de tout mot.



Exposition, du 6 au 29 décembre 2012
Vernissage à 18 heures en présence de l’artiste
Galerie Art on 56th
56th st. Gemmayzeh
Beyrouth

jeudi 1 novembre 2012

Clin d’œil : Centenaire de la naissance de Léon Gontran Damas. Témoignage vivant de Gisèle Bourquin (3)



L.G. Damas
Nous voici arrivés au terme d'une commémoration vivante par le biais des paroles de Gisèle Bourquin qui, rappelons-le, a connu Léon Gontran Damas alors qu'elle était jeune étudiante. Elle-même a eu et a un parcours passionnant et ses expériences sur plusieurs continents lui ont donné le goût de créer Femmes au-delà des Mers dont le lecteur pourra connaître les grandes lignes en fin d'article.


Léon Gontran Damas, un passeur
" Il m’a complaisamment parlé de la genèse de la négritude et du trio Césaire, Damas, Senghor. Seulement une fois, il m’a fait remarquer que j’aurais pu travailler également sur ses écrits : je n’ai senti ni jalousie, ni colère, une simple remarque -bien pertinente au demeurant !-
Pour m’illustrer ce qui les différenciait de ses deux autres « frères de combat » : « Moi, je n’ai pas de complexe vis-à-vis des blancs : ils étaient nos boys à Cayenne ».
Je n’oublierai jamais cette démonstration sibylline : à cet instant, j’ai saisi l’importance de la construction mentale et garde cette réflexion structurante comme un trésor.

Générosité, ouverture: un passeur, médiateur: Il avait le don de mettre en relation, de partager. Il n’agissait pas par convenance, il suivait son instinct. Les visiteurs se rencontraient ou se croisaient dans son séjour en un ballet incessant. J’avais été frappée par une étudiante venue de Barbade pour travailler sur son œuvre, preuve s’il en est qu’il était déjà, à l’époque, reconnu hors du petit cercle français.

Ce qu’il m’a apporté
Gisèle Bourquin
(Reproduction interdite)
Cet homme rebelle, cet homme de conviction, non conformiste, m’a appris la liberté, le discernement. Damas, sans le savoir, a orienté mon parcours et si j’ai pris un départ dans la vie en commençant par l’enseignement à l’université en République démocratique du Congo, c’est l’heureuse conséquence de cette période. Ma vie professionnelle a commencé en Afrique. Après le Congo, je pars au Moyen-Orient : c’est à cette période que je perds le contact avec les Damas : ils s’installent à Washington.

Washington où, à dessein, j’ai effectué le mois dernier, septembre 2012, comme un pèlerinage à la Howard University. J’ai eu le grand privilège d’aller sur les traces de Damas. J’ai eu un long et bel échange avec le professeur Ethelbert Miller, grand poète, à la bibliothèque de cette célèbre université. Le professeur Ethelbert Miller m’a raconté qu’à Washington, lors d’une rencontre, toutes les hautes personnalités se sont présentées à la tribune avec force titres et faits de gloire. Quand ce fut le tour de Léon Gontran Damas, il a simplement dit d’une voix ferme : « Damas » et rien d’autre. Fi des fioritures, ça, c’était lui !
Des deux côtés de l’Atlantique, la même perception, la même admiration pour Damas.

Les mots, authenticité, rébellion, liberté, dignité, désaliénation, ne lui étaient pas étrangers. Et aujourd’hui, je suis « debout », selon une expression de ma Martinique natale et poursuis mon chemin grâce à tout cela. La création d’un réseau d’échanges et de transmission de savoirs par-delà les océans, aujourd’hui incarné en l’association Femmes au-delà des mers, en est nourri.

Stèle sous laquelle
repose L.G. Damas.
Du singulier à l’universel
Au-delà de mon cas personnel, je peux affirmer que Léon Gontran Damas avait du rayonnement. Il a spontanément éveillé des consciences, tracé la route. Et ce qu’il a semé généreusement sans calcul et sans être doctrinaire sont les racines du futur !

Quels héritiers ? Moi ! Vous ! Nos enfants ! Quels héritages au seuil du XXIème siècle ? Certains héritages ont déjà émergé, il en reste beaucoup à inventorier et à valoriser.
Ce témoignage m’apparaît comme le maillon d’une chaîne à renforcer perpétuellement, celle de la fraternité entre les hommes de tous horizons. "

Arabian People & Maghrebian World remercie Gisèle Bourquin d’avoir bien voulu lui confier son témoignage sur le poète Léon Gontran Damas.


Femmes au-delà des Mers
Est une association qui a trois objectifs essentiels : « une synergie de savoirs et d’expertises multiculturelles issue des femmes originaires de l’Outre-mer et au-delà...». Ces échanges abordent de grandes questions comme l’éducation, le patrimoine, la recherche scientifique. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à une simple conceptualisation de ces savoirs et expertises. L’organisation envisage non seulement de développer un réseau d’échanges et de transmission des savoirs, mais également de mettre en place un immense projet, Mémoire et Patrimoine, qui se veut de « conserver des empreintes grâce à des contributions personnelles pour servir une vision plurielle de ce qui fonde » nos sociétés et cela, à partir d’une « réalité d’expériences vécues ».
Toutes les femmes au destin non médiatisé, via leurs compétences, leurs activités, leurs centres d’intérêt -ces femmes de l’Outre-mer (et d’ailleurs)- sont cette « passerelle de savoirs liés aux femmes ».

Informations

mercredi 31 octobre 2012

Clin d’œil : Centenaire de la naissance de Léon Gontran Damas. Témoignage vivant de Gisèle Bourquin (2)


Léon Gontran Damas
« Inattendu, surprenant et profond, spontané » nous confie Gisèle Bourquin, présidente de Femmes au-delà des Mers (*), dans cette seconde partie de son témoignage sur Léon Gontran Damas à l'occasion du centenaire de la naissance du poète guyanais.

Autour de Léon Gontran Damas

« Sans être intime avec les Damas, j’ai partagé des moments importants y compris celui d’avoir été conviée au repas de mariage avec Marietta.

C'est à l’instigation de Damas et souvent par son intermédiaire que j'ai rencontré bien des gens de lettres, j’ai pu côtoyer ainsi l’anthropologue Michel Leiris et, plus généralement, ceux et celles qui étaient désireux de s’ouvrir aux différentes cultures humaines, d’aller au-delà des clichés.
Damas était membre du Pen club, il fréquentait l'UNESCO, cette maison -fort prestigieuse à l'époque- et j’ai pu y participer à des séminaires de haute volée.
A Présence Africaine, la Sorbonne des Noirs ! j’ai dialogué avec bien des intellectuels : Alioune Diop, son fondateur et directeur, sa femme Christiane Diop, aussi discrète que Marietta et bien présente, Lamine Diakhaté, Sénégalais, ami d'Hélène Bouvard également, Jacques Howlett, Bernard Dadié, Ivoirien, fidèle ami de Damas, Bakary Traoré. Présence Africaine, point névralgique de ce Quartier Latin bien foisonnant où des professeurs faisaient prendre, appréhender l’importance des cultures africaines. Dans le même temps, j’avais des entretiens avec Aimé Césaire, soit lors des répétitions de ses pièces par Jean Marie Serreau dans un cinéma, Place Clichy, soit chez lui, Porte Brancion.

L’intérêt de Damas pour l’art africain était réel. La projection à son initiative du documentaire Un autre regard (16 minutes) de Philippe Brunet, m’a marquée : c’était l'illustration magistrale par l'image de l'influence de l'art nègre (les masques) sur l'art français (peinture, sculpture). Braque, Modigliani, Loth, Max Ernst. Aujourd’hui, cela peut paraître aller de soi ; en 1966, c’était loin d’être le cas. Par la suite, comme pour répondre aux aspirations de Damas, esthète aimant autant la musique que le cinéma- ce même Philippe Brunet sortira, trois ans plus tard, un 53 minutes Du tam-tam au jazz (histoire des rythmes africains).
Gisèle Bourquin
(Reproduction interdite)

En 1967, j’entreprends des recherches sur la littérature orale africaine avec Denise Paulme à l'Ecole des Hautes Etudes Pratiques et suit un séminaire au Musée de l’homme avec, comme condisciple, entre autres, Ina Césaire.

Ces échanges m’ont permis d’accéder à une perception nouvelle du monde qui m’a obligée à affûter mes critères de jugement et ma vigilance dans le choix de mes engagements. Chemin tout tracé ! Je me retrouve en septembre 1968 en République démocratique du Congo comme enseignante à l’Université libre du Congo à Kisangani. L’empreinte de Damas et de Césaire était là !

Quel homme était Léon Gontran Damas ?

Je dirais qu’il était comme ses poèmes !
Simple… apparemment ! Inattendu, surprenant et profond, spontané.
Il avait une voix agréable qui, selon moi, n'était pas assortie à ce corps plutôt frêle surmonté d’une tête imposante. D’où sans doute le surnom « gro tête » que lui donnait ses camarades à l’école. Il disait ses propres textes à merveille.
Il était toujours bien mis avec une pointe d’originalité mais sans extravagance, il portait souvent un chapeau.
Ayant toujours le sens de la formule, sarcasme perpétuel, simplicité, authenticité, ironie, humour.
Sensible. Son émotion était sincère quand il lui est arrivé -je ne sais comment- d’évoquer sa douleur à la mort de son ami Robert Desnos et pour qui il a écrit La Seine a vu pleurer un homme
Son ressentiment était palpable, en évoquant un critique qui l’avait qualifié de fantasque (le critique avait écrit caractère fantasque et susceptible. On trouvera chez d’autres le qualificatif de fantasque à son propos).
Espiègle. « J’ai refusé de parler jusqu’à 6 ans » m’a-t-il dit, avec un sourire et ses yeux perçants guettant ma réaction. Devant ce qu’il semblait me présenter comme un bon tour joué aux adultes, moi toute jeune et interloquée, je ne pense pas avoir fait de commentaires. Damas me décontenançait quelquefois.
Il était incisif, moqueur : la conversation venant sur une chanteuse : « elle est laide » dit-il avec ce même sourire qui pourtant n’était pas de la méchanceté.
Joséphine Baker ! « Ridicule, danser avec une ceinture de bananes ! »

__________________________________________
(*) Voir fin de la 3ème et dernière partie du témoignage de G. Bourquin.

mardi 30 octobre 2012

Clin d’œil : Centenaire de la naissance de Léon Gontran Damas. Témoignage vivant de Gisèle Bourquin (1)


Léon Gontran Damas
Le 17e salon du livre de la Plume Noire, qui s’est tenu du 19 au 20 octobre derniers, a célébré le centenaire de la naissance du grand poète guyanais, Léon Gontran Damas.

Parmi les personnalités du monde universitaire et littéraire, Gisèle Bourquin, présidente de l’association Femmes au-delà des Mers, a fait un émouvant témoignage sur le poète disparu.

Une dame qui se tourne vers tous les horizons, engrangeant des expériences africaines par son parcours en Afrique qu’elle a découverte « à travers le regard d’Aimé Césaire » ainsi qu’elle le dira, des expériences moyen-orientales car elle travaillera au Moyen-Orient et puis, des expériences outre-mer, ses racines étant là même si elle vit depuis l’enfance en France. Tout ce parcours, elle a souhaité le mettre à la portée de femmes et, aussi, d’hommes, en tant que partage et solidarité, en créant Femmes au-delà des mers en 2007.
Un objectif qui met des femmes en lumière et, surtout, des femmes qui montrent le chemin. De sorte que l’on ait envie d’avancer, de dire que « tout est possible », car appréhender le monde permettrait que celui-ci « se développe de façon plus harmonieuse » (voir, en fin du 3ème volet, une présentation succincte de Femmes au-delà des mers).

Gisèle Bourquin a bien voulu partager avec nous son témoignage sur sa rencontre avec le poète Léon Gontran Damas que nous présentons exceptionnellement dans son intégralité et en trois parties.

 « Témoigner de la rencontre de l’étudiante en 3ème cycle de Lettres modernes à Paris avec Damas est l’occasion de le présenter sous un autre angle personnel. Cependant, pour avoir constaté avec méfiance, voire dégoût, combien certains s'inventaient une intimité avec des disparus, j’ai choisi d’émailler ce témoignage de faits qui ont jalonné ces années cruciales de ma vie et qui me semblent refléter des facettes de sa personnalité. Je commencerai par évoquer le contexte de l’époque en France, juste avant 1968 et les circonstances de la rencontre, les entretiens, pour esquisser en quoi ces échanges ont marqué mon parcours pour en souligner la portée plus générale.

Ma rencontre avec Léon Gontran Damas

Alors que j'entreprenais des recherches sur Aimé Césaire, Hélène Bouvard, femme de lettres m’introduit auprès de Damas. C'était un dimanche après-midi et je me rends près du Champ de Mars. Marietta et lui m’accueillent mais très vite elle se met en retrait. Marietta ! Belle brésilienne, discrète, calme, de qui émanait une étrange sérénité. Iwiyé Kala Lobé, journaliste de Présence Africaine, a tenu à assortir son hommage posthume à Damas d’un post-scriptum intitulé « sainte Marietta » : les amis de Damas sont unanimes pour reconnaître à Marietta une influence tranquille qui a opéré une salutaire transformation.

Gisèle Bourquin
(Reproduction interdite)
Reprenons le contexte en 1966 ! Pigments de Damas sort en 1936, Cahier du retour au pays natal d’Aimé Césaire en 1939. On pourrait croire que trente ans plus tard, la situation à l’origine de ces deux ouvrages avait évolué.

1966. Nous sommes au lendemain des indépendances en chaîne, la guerre d'Algérie vient de se terminer. Aux Etats-Unis, les noirs intensifient leur légitime revendication : Angela Davis dérange. Je renonce à un périple aux Etats-Unis avec un groupe d’étudiants parisiens, ne me sentant pas de taille à affronter les effets de la ségrégation dans le sud des Etats-Unis. De même, à l’époque, pour moi un séjour en Afrique du Sud n’est pas envisageable. En France, la ségrégation n’est certes pas érigée en loi, toutefois la discrimination est larvée : dans un organisme d'assistance aux étudiants, le Copar, on peut noter que le propriétaire veut des étudiants de couleur ... blanche !

En 1966, à Paris, pour la première fois, la chanson se met au service d’une grande cause humanitaire ! Au Palais des Sports, un concert animé par Harry Belafonte en l’honneur et en présence de Martin Luther King, au profit de la lutte contre le racisme fera date… Martin Luther King sera assassiné deux ans plus tard !
Le monde du théâtre est en pleine effervescence : au théâtre Lucernaire -à l’époque dans le Quartier latin- les Nègres de Jean Genêt, tandis qu’à Montparnasse, le Métro Fantôme de Leroy Jones dénonce les stéréotypes raciaux. Le palais de Chaillot accueille Les ancêtres redoublent de férocité de l’algérien Kateb Yacine, des pièces de Berthold Brecht. Quant à la Tragédie du Roi Christophe d’Aimé Césaire, jouée à Venise en 1964, elle allait prendre le chemin de Dakar pour le Premier festival des Arts Nègres.

C'est dans cette atmosphère que j’entreprends d’étudier le théâtre d'Aimé Césaire et ce travail me conduit fort heureusement vers Damas."
(à suivre)



Léon Gontran Damas
Le poète guyanais est né le 28 mars 1912 et est mort en 1978. Il est enterré en Guyane. Dans les années quarante, il a fondé avec Aimé Césaire et Léopold Sedar Senghor, le mouvement de la négritude. Chantre du chant rebelle, il a toujours mis au banc de l’accusation la politique de l’assimilation.
Sa poésie est d’une telle écriture qu’elle s’ancre profondément dans la culture et les idées, certes, pour son époque mais pour notre époque-ci. Sa parole demeure intacte pour qui se retrouve dans ce qu’elle draine. Même quand elle déchire l’âme, qu’elle donne le blues de l’homme se battant contre le déracinement, elle est vive, elle retient, elle fascine.

A lire : Pigments et Névralgies (Présence Africaine), Black-Label (Gallimard), Retour de Guyane (José Corti).

mercredi 24 octobre 2012

6th Abu Dhabi Film Festival : "Lamma Shoftak" d'Annemarie Jacir, Meilleur film du monde arabe


Le film d’Annemarie Jacir, Lamma shoftak (Quand je t’ai vu/ When I saw you) vient d’être désigné Meilleur film du monde arabe par le jury international du concours New Horizons au 6th Abu Dhabi Film Festival qui s'est terminé samedi dernier.

Le film est un long métrage ayant pour trame la guerre de l’été 1967 : après  le contrôle de Ghaza, du Sinaï, de Jérusalem-Est et le plateau du Golan par les forces israéliennes, des familles se retrouvent dans la tourmente sur la route. C’est le chaos. Un enfant, Tarek (rôle tenu par Mahmoud Asfa), et sa mère Ghaydaa (Ruba Blal) se retrouvent dans le camp de réfugiés de Harir.

La réalisatrice palestinienne du premier long métrage Sel de la mer et qui a produit plusieurs courts métrages auparavant, n’a réalisé Lamma Shoftak qu’avec un petit budget, soutenue en cela par plusieurs organismes dont le Sanad (Fonds de développement post-production du festival d’Abu Dhabi), Abu Dhabi Film Commission, la fondation Khalid Shoman (Darat al Funun), Dubai Film Connection.

Son précédent long métrage – Le sel de la mer (Malh haza-l-Bahr) – a reçu plusieurs récompenses lors de festivals cinématographiques dont le prix de la Critique FIPRESCI, celui du meilleur film du Traverse City film festival.
  
Annemarie Jacir vit en Jordanie actuellement.

Notre commentaire : Un Palestinien n'est jamais loin de sa terre et, donc, de lui-même, quel que soit le chemin emprunté. Comment dire qu'autant de beauté et de souffrance puissent se trouver entremêlées dans Lamma Shoftak, à la fois intimistes et dénudées dans le chaos que l'on entraperçoit ? Au-delà de l'Histoire, il y a cette peinture de deux êtres liés par le sang de la parenté et par le sang du peuple. Il ne nous reste qu'à attendre une sortie en salle...



Abu Dhabi Film Festival 
Building 2 – Pink
Mezzanine level
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