L.G. Damas |
Léon Gontran Damas, un passeur
" Il m’a complaisamment parlé de la genèse de la négritude
et du trio Césaire, Damas, Senghor. Seulement une fois, il m’a fait remarquer
que j’aurais pu travailler également sur ses écrits : je n’ai senti ni
jalousie, ni colère, une simple remarque -bien pertinente au demeurant !-
Pour m’illustrer ce qui les différenciait de ses deux
autres « frères de combat » : « Moi, je n’ai pas de complexe
vis-à-vis des blancs : ils étaient nos boys à Cayenne ».
Je n’oublierai jamais cette démonstration sibylline : à
cet instant, j’ai saisi l’importance de la construction mentale et garde cette
réflexion structurante comme un trésor.
Générosité, ouverture: un passeur, médiateur: Il avait le
don de mettre en relation, de partager. Il n’agissait pas par convenance, il
suivait son instinct. Les visiteurs se rencontraient ou se croisaient dans son
séjour en un ballet incessant. J’avais été frappée par une étudiante venue de
Barbade pour travailler sur son œuvre, preuve s’il en est qu’il était déjà, à
l’époque, reconnu hors du petit cercle français.
Ce qu’il m’a apporté
Gisèle Bourquin (Reproduction interdite) |
Washington où, à dessein, j’ai effectué le mois dernier,
septembre 2012, comme un pèlerinage à la Howard University. J’ai eu le grand
privilège d’aller sur les traces de Damas. J’ai eu un long et bel échange avec
le professeur Ethelbert Miller, grand poète, à la bibliothèque de cette célèbre
université. Le professeur Ethelbert Miller m’a raconté qu’à Washington, lors
d’une rencontre, toutes les hautes personnalités se sont présentées à la
tribune avec force titres et faits de gloire. Quand ce fut le tour de Léon
Gontran Damas, il a simplement dit d’une voix ferme : « Damas »
et rien d’autre. Fi des fioritures, ça, c’était lui !
Des deux côtés de l’Atlantique, la même perception, la
même admiration pour Damas.
Les mots, authenticité, rébellion, liberté, dignité,
désaliénation, ne lui étaient pas étrangers. Et aujourd’hui, je suis « debout
», selon une expression de ma Martinique natale et poursuis mon chemin
grâce à tout cela. La création d’un réseau d’échanges et de transmission de
savoirs par-delà les océans, aujourd’hui incarné en l’association Femmes
au-delà des mers, en est nourri.
Au-delà de mon cas personnel, je peux affirmer que Léon
Gontran Damas avait du rayonnement. Il a spontanément éveillé des consciences,
tracé la route. Et ce qu’il a semé généreusement sans calcul et sans être
doctrinaire sont les racines du futur !
Quels héritiers ? Moi ! Vous ! Nos enfants ! Quels
héritages au seuil du XXIème siècle ? Certains héritages ont déjà
émergé, il en reste beaucoup à inventorier et à valoriser.
Ce témoignage m’apparaît comme le
maillon d’une chaîne à renforcer perpétuellement, celle de la fraternité entre
les hommes de tous horizons. "
Arabian People & Maghrebian World remercie Gisèle Bourquin d’avoir bien voulu lui confier son
témoignage sur le poète Léon Gontran Damas.
Femmes au-delà des Mers
Est une association qui a trois objectifs
essentiels : « une synergie de savoirs et d’expertises multiculturelles issue
des femmes originaires de l’Outre-mer et au-delà...». Ces échanges abordent de
grandes questions comme l’éducation, le patrimoine, la recherche scientifique.
Bien sûr, cela ne s’arrête pas à une simple conceptualisation de ces savoirs et
expertises. L’organisation envisage non seulement de développer un réseau
d’échanges et de transmission des savoirs, mais également de mettre en place un
immense projet, Mémoire et Patrimoine, qui se veut de « conserver des
empreintes grâce à des contributions personnelles pour servir une vision
plurielle de ce qui fonde » nos sociétés et cela, à partir d’une
« réalité d’expériences vécues ».
Toutes les femmes au destin non médiatisé, via leurs
compétences, leurs activités, leurs centres d’intérêt -ces femmes de l’Outre-mer
(et d’ailleurs)- sont cette « passerelle de savoirs liés aux
femmes ».
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