jeudi 1 novembre 2012

Clin d’œil : Centenaire de la naissance de Léon Gontran Damas. Témoignage vivant de Gisèle Bourquin (3)



L.G. Damas
Nous voici arrivés au terme d'une commémoration vivante par le biais des paroles de Gisèle Bourquin qui, rappelons-le, a connu Léon Gontran Damas alors qu'elle était jeune étudiante. Elle-même a eu et a un parcours passionnant et ses expériences sur plusieurs continents lui ont donné le goût de créer Femmes au-delà des Mers dont le lecteur pourra connaître les grandes lignes en fin d'article.


Léon Gontran Damas, un passeur
" Il m’a complaisamment parlé de la genèse de la négritude et du trio Césaire, Damas, Senghor. Seulement une fois, il m’a fait remarquer que j’aurais pu travailler également sur ses écrits : je n’ai senti ni jalousie, ni colère, une simple remarque -bien pertinente au demeurant !-
Pour m’illustrer ce qui les différenciait de ses deux autres « frères de combat » : « Moi, je n’ai pas de complexe vis-à-vis des blancs : ils étaient nos boys à Cayenne ».
Je n’oublierai jamais cette démonstration sibylline : à cet instant, j’ai saisi l’importance de la construction mentale et garde cette réflexion structurante comme un trésor.

Générosité, ouverture: un passeur, médiateur: Il avait le don de mettre en relation, de partager. Il n’agissait pas par convenance, il suivait son instinct. Les visiteurs se rencontraient ou se croisaient dans son séjour en un ballet incessant. J’avais été frappée par une étudiante venue de Barbade pour travailler sur son œuvre, preuve s’il en est qu’il était déjà, à l’époque, reconnu hors du petit cercle français.

Ce qu’il m’a apporté
Gisèle Bourquin
(Reproduction interdite)
Cet homme rebelle, cet homme de conviction, non conformiste, m’a appris la liberté, le discernement. Damas, sans le savoir, a orienté mon parcours et si j’ai pris un départ dans la vie en commençant par l’enseignement à l’université en République démocratique du Congo, c’est l’heureuse conséquence de cette période. Ma vie professionnelle a commencé en Afrique. Après le Congo, je pars au Moyen-Orient : c’est à cette période que je perds le contact avec les Damas : ils s’installent à Washington.

Washington où, à dessein, j’ai effectué le mois dernier, septembre 2012, comme un pèlerinage à la Howard University. J’ai eu le grand privilège d’aller sur les traces de Damas. J’ai eu un long et bel échange avec le professeur Ethelbert Miller, grand poète, à la bibliothèque de cette célèbre université. Le professeur Ethelbert Miller m’a raconté qu’à Washington, lors d’une rencontre, toutes les hautes personnalités se sont présentées à la tribune avec force titres et faits de gloire. Quand ce fut le tour de Léon Gontran Damas, il a simplement dit d’une voix ferme : « Damas » et rien d’autre. Fi des fioritures, ça, c’était lui !
Des deux côtés de l’Atlantique, la même perception, la même admiration pour Damas.

Les mots, authenticité, rébellion, liberté, dignité, désaliénation, ne lui étaient pas étrangers. Et aujourd’hui, je suis « debout », selon une expression de ma Martinique natale et poursuis mon chemin grâce à tout cela. La création d’un réseau d’échanges et de transmission de savoirs par-delà les océans, aujourd’hui incarné en l’association Femmes au-delà des mers, en est nourri.

Stèle sous laquelle
repose L.G. Damas.
Du singulier à l’universel
Au-delà de mon cas personnel, je peux affirmer que Léon Gontran Damas avait du rayonnement. Il a spontanément éveillé des consciences, tracé la route. Et ce qu’il a semé généreusement sans calcul et sans être doctrinaire sont les racines du futur !

Quels héritiers ? Moi ! Vous ! Nos enfants ! Quels héritages au seuil du XXIème siècle ? Certains héritages ont déjà émergé, il en reste beaucoup à inventorier et à valoriser.
Ce témoignage m’apparaît comme le maillon d’une chaîne à renforcer perpétuellement, celle de la fraternité entre les hommes de tous horizons. "

Arabian People & Maghrebian World remercie Gisèle Bourquin d’avoir bien voulu lui confier son témoignage sur le poète Léon Gontran Damas.


Femmes au-delà des Mers
Est une association qui a trois objectifs essentiels : « une synergie de savoirs et d’expertises multiculturelles issue des femmes originaires de l’Outre-mer et au-delà...». Ces échanges abordent de grandes questions comme l’éducation, le patrimoine, la recherche scientifique. Bien sûr, cela ne s’arrête pas à une simple conceptualisation de ces savoirs et expertises. L’organisation envisage non seulement de développer un réseau d’échanges et de transmission des savoirs, mais également de mettre en place un immense projet, Mémoire et Patrimoine, qui se veut de « conserver des empreintes grâce à des contributions personnelles pour servir une vision plurielle de ce qui fonde » nos sociétés et cela, à partir d’une « réalité d’expériences vécues ».
Toutes les femmes au destin non médiatisé, via leurs compétences, leurs activités, leurs centres d’intérêt -ces femmes de l’Outre-mer (et d’ailleurs)- sont cette « passerelle de savoirs liés aux femmes ».

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