Léon Gontran Damas |
« Inattendu, surprenant et
profond, spontané » nous confie Gisèle Bourquin, présidente de Femmes au-delà des Mers (*), dans cette seconde partie
de son témoignage sur Léon Gontran Damas à l'occasion du centenaire de la naissance du poète guyanais.
Autour de Léon Gontran Damas
« Sans être intime avec les Damas, j’ai partagé des moments
importants y compris celui d’avoir été conviée au repas de mariage avec
Marietta.
C'est à l’instigation de Damas et souvent par son
intermédiaire que j'ai rencontré bien des gens de lettres, j’ai pu côtoyer
ainsi l’anthropologue Michel Leiris et, plus généralement, ceux et celles qui
étaient désireux de s’ouvrir aux différentes cultures humaines, d’aller au-delà
des clichés.
Damas était membre du Pen club, il fréquentait l'UNESCO,
cette maison -fort prestigieuse à l'époque- et j’ai pu y participer à des séminaires
de haute volée.
A Présence Africaine, la Sorbonne des Noirs ! j’ai
dialogué avec bien des intellectuels : Alioune Diop, son fondateur et
directeur, sa femme Christiane Diop, aussi discrète que Marietta et bien
présente, Lamine Diakhaté, Sénégalais, ami d'Hélène Bouvard également, Jacques
Howlett, Bernard Dadié, Ivoirien, fidèle ami de Damas, Bakary Traoré.
Présence Africaine, point névralgique de ce Quartier Latin bien foisonnant où
des professeurs faisaient prendre, appréhender l’importance des cultures
africaines. Dans le même temps, j’avais des entretiens avec Aimé
Césaire, soit lors des répétitions de ses pièces par Jean Marie Serreau dans un
cinéma, Place Clichy, soit chez lui, Porte Brancion.
L’intérêt de Damas pour l’art africain était réel. La
projection à son initiative du documentaire Un autre regard (16
minutes) de Philippe Brunet, m’a marquée : c’était l'illustration
magistrale par l'image de l'influence de l'art nègre (les masques) sur l'art
français (peinture, sculpture). Braque, Modigliani, Loth, Max Ernst.
Aujourd’hui, cela peut paraître aller de soi ; en 1966, c’était loin d’être
le cas. Par la suite, comme pour répondre aux aspirations de Damas, esthète
aimant autant la musique que le cinéma- ce même Philippe Brunet sortira, trois
ans plus tard, un 53 minutes Du tam-tam au jazz (histoire des rythmes
africains).
Gisèle Bourquin (Reproduction interdite) |
En 1967, j’entreprends des recherches sur la littérature
orale africaine avec Denise Paulme à l'Ecole des Hautes Etudes Pratiques et
suit un séminaire au Musée de l’homme avec, comme condisciple, entre autres,
Ina Césaire.
Ces échanges m’ont permis d’accéder à une perception
nouvelle du monde qui m’a obligée à affûter mes critères de jugement et ma
vigilance dans le choix de mes engagements. Chemin tout tracé ! Je me retrouve
en septembre 1968 en République démocratique du Congo comme enseignante à
l’Université libre du Congo à Kisangani. L’empreinte de Damas et de Césaire était
là !
Quel homme était Léon Gontran Damas ?
Je dirais qu’il était comme ses poèmes !
Simple… apparemment ! Inattendu, surprenant et profond,
spontané.
Il avait une voix agréable qui, selon moi, n'était pas
assortie à ce corps plutôt frêle surmonté d’une tête imposante. D’où sans doute
le surnom « gro tête » que lui donnait ses camarades à l’école. Il disait
ses propres textes à merveille.
Il était toujours bien mis avec une pointe d’originalité
mais sans extravagance, il portait souvent un chapeau.
Ayant toujours le sens de la formule, sarcasme perpétuel,
simplicité, authenticité, ironie, humour.
Sensible. Son émotion était sincère quand il lui est
arrivé -je ne sais comment- d’évoquer sa douleur à la mort de son ami Robert
Desnos et pour qui il a écrit La Seine a vu pleurer un homme…
Son ressentiment était palpable, en évoquant un critique
qui l’avait qualifié de fantasque (le critique avait écrit caractère
fantasque et susceptible. On trouvera chez d’autres le qualificatif de fantasque
à son propos).
Espiègle. « J’ai refusé de parler jusqu’à 6 ans » m’a-t-il
dit, avec un sourire et ses yeux perçants guettant ma réaction. Devant ce qu’il
semblait me présenter comme un bon tour joué aux adultes, moi toute jeune et
interloquée, je ne pense pas avoir fait de commentaires. Damas me
décontenançait quelquefois.
Il était incisif, moqueur : la conversation venant sur une
chanteuse : « elle est laide » dit-il avec ce même sourire qui
pourtant n’était pas de la méchanceté.
Joséphine Baker ! « Ridicule, danser avec une
ceinture de bananes ! »
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(*) Voir fin de la 3ème et dernière partie du témoignage de G. Bourquin.
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