Evoquer Taos Amrouche non pas parce qu’elle était la sœur du
poète francophone algérien, Jean el-Mouhoub Amrouche, c’est évoquer la
romancière, la poétesse et l’interprète talentueuse, somptueuse, faite de cette
terre du Maghreb, pétrie dans la magie du terroir kabyle comme une étoile qui
s’est éclipsée un jour d’avril 1976, à l’âge de 63 ans (France). Elle fut
bouleversante, elle fut modeste, elle fut une culture s’embrasant dans
plusieurs voix par le chant du sacre, par celui de l’exil, par celui d’une école
dont on a, aujourd’hui, la nostalgie. Au centenaire de sa naissance, le 4 mars
dernier, où était le souffle de Taos Amrouche ? Perché sur un amandier,
adossée au mont Djurdjura, sous la brise tunisienne où elle grandit avec son
frère et y vécut durant quarante années ?
« Elle a souri.
Comme un roseau sa taille a ployé. »
(Taos Amrouche)
Du côté officiel, le silence sera le même qu’il le fut pour
Jean Amrouche. Mais beaucoup sont présents, saluant sa mémoire et des journaux
algériens iront de leurs écrits.
Langue amzighe, langue française, elle oscillait, voguait
comme une algue emportée par le flux, Taos Amrouche écrira : « La
fatalité qui me poursuit, je sais aujourd’hui qu’elle est le lot de tous les
déracinés à qui on demande de faire un bond de plusieurs siècles [...] Ni
Racine, ni Mozart ne m’eussent manqué. C’est la civilisation qui a fait de moi
cet être hybride. »
« Femmes vénérées des At Wertiran
Vous êtes roses comme des perdrix »
(Taos Amrouche)
Elle fut deux voix unies en une : celle de
l’écriture et celle du chant fusionnées avec la terre ancestrale. Voici ce
qu’écrira Aimé Césaire : « Quand on cherche des témoignages de mondes
disparus, on pense tout naturellement à la pierre : monuments ou statues.
Mais que dire de la voix humaine ? Du cri ? Du chant ? C’est ce
plus émouvant, que nous apporte Taos. Chants populaires, chants sacrés, débris
de liturgie ? Je ne sais, mais je sais que nous les restitue de manière
proprement bouleversante la voix âpre, somptueuse et chargée d’aromates de
Taos. Chants magnifiques qui nous atteignent en plein cœur, montés du fond des
âges. »
A lire
. Le grain magique. Contes, poèmes et proverbes de Kabylie,
Maspéro Editions, Voix, n° 13, Paris 1966, sous la signature de Marguerite-Taos
Amrouche.
. Jacinthe noire,
éditions Joëlle Losfeld, Paris 1996 (première édition 1947, Charlot,
Paris).
. Grandeur de Taos Amrouche, de Denise Brahimi, éditions
Chihab, Alger.
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