J’ai été élevée dans l’idée que ces hommes, dénommés « harkis », avaient trahi leur pays. Pis, avaient participé aux côtés de la soldatesque française à des opérations de la honte : exactions, viols, tortures, terre brûlée. Les films traçant la guerre d’indépendance, les pièces de théâtre et les romans, la rencontre d’un ou de deux harkis en France m’avaient confortée dans cette idée.
Les ans ont passé, mon regard a changé car pour pouvoir fustiger ces « harkis », encore fallait-il écouter tous les sons de cloche. Bien sûr, ma conviction demeure, elle est la même mais la sagesse venant, en recherchant une vérité, je me suis dit que cette vérité pouvait déterrer des faits pas très beaux, y compris du côté de ceux qui s’étaient investis de la parole sacrée de l’indépendance. Les héros sont morts, les traîtres sont classifiés des deux côtés de la Méditerranée, recevant le poids d’une histoire où il est, à présent, nécessaire de les entendre – sans pour autant justifier leur rôle durant ces années de guerre coloniale et algérienne.
Aussi m’est-il paru objectif de parler ici, de l’ouvrage de Pierre Daum, Le dernier tabou ou les témoignages de harkis demeurés en Algérie après l’indépendance. Est-ce à dire que les moutons noirs n’étaient pas si noirs que cela pour les avoir acceptés dans une Algérie qui continue de brandir le spectre de la trahison de certains des siens ?
Pierre Daum ouvre les pages sur deux ans de témoignages – en Algérie – d’anciens soldats de l’armée française régulière, de civils pro-Français et de ceux qui furent recrutés en tant que supplétifs. Allons à la rencontre de ces témoins, de ces « harkis » qui nous racontent ce qui fut à l’origine de leur engagement et comment vivent-ils dans l’Algérie qui semble tout de même leur avoir pardonné – du moins ceux qui ont été autorisés à y rester ou à revenir comme ce fut le cas de certains.
F. C.-A.
Aux éditions Actes Sud
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