samedi 15 octobre 2016

Poème vs parole chantée ou un prix Nobel prenant (peut-être) l'eau...


Le débat est ouvert / est depuis longtemps ouvert : le poète et le parolier. Une histoire de genres, une histoire qui remanierait l'univers de la littérature et, dans le cas présent, de la poésie depuis que celle-ci, de chanson de geste, est passée à l'état de poème après la "Chanson de Roland". Le prix Nobel de la littérature pour cette année 2016 a non seulement renversé les valeurs de l'écriture poétique mais aussi celles du roman. Et l'on est aujourd'hui à se poser la question de savoir qu'est-ce qui nous attend au prochain tour ? Pour rester dans le domaine de la poésie et de la chanson - qu'ici nous qualifierons de parole chantée - certains textes de chansons font un va-et-vient entre le poème et la parole chantée. Pour exemple, Boris Vian qui fut d'abord poète avant que la version chantée n'entre en lices. Je ne m'étais jamais posé la question ; pour moi, tout était clair, nonobstant la qualité de l'écriture d'une chanson, la parole chantée n'est pas le poème qui, lui, est "hanté" par une sorte de transcendance chez le poète introverti et extraverti à la fois. La chanson, aussi belle soit-elle, aussi bien écrite soit-elle, ne peut être une "Diane française" d'Aragon, ni un "Bateau ivre" d'Arthur Rimbaud ni même un "Cancre", poème de Jacques Prévert qui pourrait être l'objet de la nymphe musicienne, ou "Seul dans la splendeur" de John Keats, ou encore "Craintes dans la Solitude" de Samuel T. Coleridge et, du côté de la poésie arabe, ce poème "أراكَ عَصيَّ الدمع" d'Abû Firâs al-Hamadani et plus proche, "Passagers parmi les paroles passagères", poème bref mais profond de Mahmoud Darwich. Or, nous voilà placés, après la décision heureuse ou inappropriée du comité Nobel, dans l'obligation de refaire nos classes ! A nous de voir si les textes de M. Dylan sont pur esprit ou de la chanson engagée au sens propre comme au sens figuré sur le chemin extrêmement névralgique, narcissique et transcendantal du territoire du poème. Le sportif à la retraite qui devient "chroniqueur" ne peut être journaliste, le professeur de chant ne peut être professeur de littérature, le dessinateur de bandes dessinées ne peut être Renoir (à moins qu'il n'ait un talent caché), etc. Le merle moqueur est, certes, un oiseau mais il n'est pas pour autant un rossignol. Et bien que tous les goûts soient dans la nature, ici, il ne s'agit pas d'aimer, il s'agit de dire le genre. Le comité Nobel a peut-être eu raison pour les inconditionnels de Bob Dylan ou est tombé peut-être dans l'hérésie d'avoir osé mélanger les genres, pour les autres. Et si c'est le cas, c'est-à-dire si c'est contrevenir aux canons du poème pur, alors il est temps de mettre au rencart les prix Nobel qui ont tendance pour des raisons obscures à décerner des prix en veux-tu en voilà. Mais soyons honnêtes et rendons justice au chanteur, seul Bob Dylan peut dire s'il a écrit des poèmes quand il a écrit ses chansons. De ce fait, si ça l'est, nous pourrons déduire qu'elles ne tarderont pas à être publiées en tant que poèmes. Et, alors, ce serait un bond en avant du territoire du poème. Aussi, "Je suis malade" vaut poème tout comme "C'est une poupée qui fait non" ou "Gigi l'amoroso"... ... et, alors, les poètes entreront dans la clandestinité.
F. C.-A.

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