« Vous me direz au crépuscule »... Que voilà un roman dense, bien que d’une écriture minimaliste dans le bon sens du terme ! Dense d’émotions contenues, laissant libre l’imaginaire du lecteur qui parcourt les mots, interrogateur et recherchant désespérément les réponses. Yasmine Khlat, son auteur, dira pourquoi l’absence de toute réponse dans l’interview accordée à notre Rédaction. L’on demeure pantois devant tant de silences, celui de trois femmes dont deux s’enferment dans un dialogue qui est posé là, comme gouttes d’eau dans le désert émotif qu’est leur histoire, la troisième passe, par à coups, présente pourtant entre les repas et une tasse de thé. Le thème central qui ne s’avoue pas clairement – le suicide – plane mais rien ne transparaît. Comme si l'écrivaine libanaise aurait voulu en dire plus mais que sa parole demeure en suspension, comme une branche brisée, faite de sentiments impalpables mais tout en profondeur. Un livre dont elle dira être des univers où « le souffle du vent dans les arbres est partout pareil ». Tout comme quelque part en préambule, cette phrase poignante, proche de la dramaturgie : « Et la solitude d’une femme est partout pareille »... L’interview ci-dessous de Yasmine Khlat renforce davantage cette impression de vouloir « rester dans la distance » ainsi qu'elle l'écrit.
Arabian People : Vous venez de dédicacer votre roman "Vous me direz au crépuscule" au 31e salon du livre de Paris. En le parcourant, le lecteur reste sur quelque chose d'inachevé, sur une question demeurée sans réponse ...
Yasmine Khlat : Un roman ne peut donner toutes les réponses. Il est là pour en poser. Pour participer à une réflexion.
Arabian People : Qui des deux personnages féminins de votre livre est le plus fusionnel avec vous : Hortense ou Claire ?
Yasmine Khlat : Les deux. L’une du côté de la jeunesse et l’autre, de la maturité.
Arabian People : Les autres personnages sont posés, ça et là, comme à la fois accessoirement et protagonistes. N’êtes-vous pas, en quelque sorte, injuste avec eux ? Parce le lecteur veut en savoir plus sur Marie qui ne fait que poser déjeuners et tasses de thé, et sur Anis, sur lequel repose tout le silence de Claire...
Yasmine Khlat : Merci pour votre belle question. Pour ce regard posé sur Marie, la servante. Elle se tient entre clarté et mystère, mais dans une place qui me semble centrale comme le cœur d’un triptyque. Il y a bien là trois femmes : Hortense, Claire et Marie. Quant à Anis, le silence de Claire fait écho à son propre silence. Son absence.
Arabian People : Pourquoi ce titre sibyllin de « Vous me direz au crépuscule » ? Il semble planer comme un doute, comme une fuite ? Car lorsqu’on entre dans cet univers que l’on ne peut saisir, il nous paraît estompé dans la pénombre de sentiments non dits ...
Yasmine Khlat : Ce titre renvoie à cet instant au crépuscule, où Hortense fait à sa jeune assistante Claire, un aveu. Celui de sa détresse. Mais en même temps, il s’adresse au lecteur. Invite à la lecture, certes, mais aussi à la parole. Il me semble que ‘Vous me direz au crépuscule’ est un livre qui cherche à dénouer les solitudes.
Arabian People : Nous avons pris pour habitude de finir une interview par la même question : si vous deviez vous représenter par un mot, quel serait-il ?
Yasmine Khlat : Permettez-moi de ne pas m’inscrire dans une définition précise. Je suis simplement dans le mouvement de l’écriture.
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"Vous me direz au crépuscule" est paru aux éditions de La Revue Phénicienne - Place du Musée - BP. 11-221 - Beyrouth, Liban.
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