vendredi 13 août 2010

Kadda Cherif Hadria : le Raï se meut en silence...


Silhouette fragile comme paille pliant sous la tempête alors qu’il dégage un certain calme, tenue modeste et traits marqués,
Kadda Chérif Hadria retient le regard avant que de l’avoir écouté. Et l’on est plus encore étonné d’entendre sa voix quand il chante, une voix puissante surgissant comme celle d’un baryton-martin, pleine et ne laissant aucun vide dans l’espace. Je l’ai rencontré en juillet mais n’étant pas très au fait de certains styles de musique, je n’avais pas mis de nom sur cette personnalité aux allures à la fois tourmentées et sereines. Nous avions parlé de choses et d’autres et, la curiosité naturelle venant, il me dira être chanteur mais qu’il ne chantait plus depuis un bon moment en raison d’un accident qui le laissera dans le coma pendant plusieurs jours : il marchait avec une légère gêne bien que gracile si tant est que l’on peut parler de gracilité chez un homme. Pour Arabian People & Maghrebian World, je lui demandai son nom : Kadda Chérif Hadria. Son accompagnatrice et chargée de presse Chantal Perrin promit de nous adresser un press-book dès que possible.

Et nous voici : une voix chargée d’un certain style, celui du Raï, chant populaire de l’ouest algérien aujourd’hui mondialement connu. Mais ce que l’on ne sait pas, c’est ce Raï qui sort des entrailles, qui déchire les tripes et vous enveloppe d’une chape tragique aussi envoûtante qu’un narguilé en fin de soirée. Le Raï de Kadda Chérif Hadria, c’est celui d’une Cheikha Remitti (aujourd’hui disparue, la maîtresse divine du Raï) auquel il ajoute une voix prenante, rappelant une autre voix disparue de l’ouest algérien, Ahmed Wahbi, qu’il admire, et enfin les inflexions de Blaoui Houari dont on pourrait même dire qu’il en est le jumeau vocal.

Bien sûr, ses titres jouent aussi sur les consonances jazzy et même avec un soupçon de reggae comme on l’entendra dans l’une de ses compositions. Le violon de Mohamed Mokhtari (Premier violon de l’Orchestre national algérien des années 70-80, qui accompagnera les plus grands de la musique algérienne) apporte la douceur à la rudesse parolière et musicale et le saxophoniste Mustapha Mattaoui et le trompettiste Arthur Simon lui donnent cette touche de jazz qui transporte le Raï naturel de Kadda Chérif Hadria dans l’univers du Raï d’aujourd’hui. Lorsqu’il sortira son titre « Djezaïr », le mensuel Les Inrockuptibles, très au fait de la musique Raï, parlera de lui dans son édition du 2 octobre 2001 ainsi : « un artiste parfaitement original, riche d’un univers audacieux, entremêlant mélodies et rythmes traditionnels arabes aux sonorités les plus contemporaines par la grâce d’arrangements malins empruntant autant au jazz qu’au rhythm’n’blue [...] Kadda Chérif Hadria poursuit avec Djezaïr sa quête d’une musique qui embrasserait les cultures du monde méditerranéen ».

Le puriste aurait, certes, préféré entendre une voix pareille avec seulement un bendir (sorte de tambourin large et plat) et un naï/gasba (flûte orientale/algérienne) car l’on aurait pu se délecter de ses chaudes tonalités, aussi rocailleuses que le littoral algérien, avec ses pentes escarpées qui plongent abruptement dans la mer Méditerranée tandis que ses sommets se couvrent de la douceur des arbres pareille aux « Amane amane, ya bouya ya bouya », ce mawwal algérien qui se chante avec des inflexions andalouses dans l’ouest algérien et vous prend à la gorge.


Dites-nous, Kadda Chérif Hadria, quand donc redonnerez-vous de ces instants avec la nostalgie du Raï, qui fut une révolution aux abords du 19e siècle algérien, repoussant les bien-pensants dans leurs retranchements rigides, apportant un souffle précurseur plus qu’un insipide « Aïcha » qui sacrifie à la commercialisation et à une « modernité » qui n’apporte rien ?
Après son accident, Kadda Chérif Hadria a arrêté de chanter. Le rêve brisé ? L’élan épuisé ? On ne le sait car nous avons eu la pudeur de ne pas aller plus loin dans notre questionnement. Cependant, s’il pouvait relancer le Raï à la « Hadria » et ce souffle de liberté, il redirait cet amour d’un pays qui lui a donné cette maturité généreuse, ce « rouh musiqi » (âme musicale) car, comme il nous le dira, en touchant la place de son cœur : « je chante surtout l’Algérie car l’Algérie est à l’intérieur de moi ».
Pour l’instant, Kadda Chérif Hadria devrait se produire prochainement dans un concert parisien.


F.C-A.

1 commentaire:

Amina a dit…

kadda c'est mon frère. je le respecte beaucoup. il est à la place de mon père. il a toujours aimer la musique depuis l'age de 6 ans.

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