Ensuite, l'attention tournée vers trois femmes : Frida, Zubayda et
Choukrane dont la stature se meut différemment au fur et à mesure du regard
porté par la première sur les deux autres; mais Frida est au-devant de la scène bien que Zubayda, sa mère, est celle qui prend tout le champ visionnel. Pour ce qui est de Choukrane, on pourrait en fin de compte, penser qu'elle est présente accessoirement parce que l'oeil est rivé sur le voile qu'elle porte.
Puis, dans cet univers de regards au féminin, il y a deux
hommes : Tofayl, le fils de Frida, Zaydun, le compagnon de Frida.
Il y a aussi Catherine, l’amie de Frida dont elle parle
d’absence comme d’un mal d’affection : beaucoup de nostalgie et comme si
elle est toujours près d’elle. Les deux amies
se reverront des années plus tard alors que Frida est dans une chambre
d’hôpital pour une maladie qui ne dit pas son nom...
... enfin, il y a aussi un intrus : le voile de
Choukrane et de toutes ces femmes que Frida rencontre lors d’attentes devant
les étals de légumes et de fruits ou dans les rues tunisoises. Frida est en
proie à des sentiments contradictoires : son souci du respect de l’autre
et son malaise grandissant, paniqué par ce voilage qui déborde de toutes parts,
dans les magasins, les rues, les universités. Un regard lourd de questionnements porté sur ce voile
qui transforme les femmes en étrangères à leur corps, l’uniformisant pour mieux
lui faire perdre son identité. Nous sommes loin de ce voile blanc, drapé tout
en joliesse et féminité du dernier siècle ... il s’est fondu dans les murs
blancs des maisons du soleil.
Le vieux Tunis est omniprésent ; les choses, les êtres se placent, bougent aisément, sans contraintes ni en tant que nécessités pour faire une histoire. Le jeu des rubans
intervient, comme par accident bien que l’auteur rend présents les
métiers du cru : les personnages sont là, avec leurs pensées emmagasinées
dans les méandres de la réflexion contemplative, qui observe ces « femmes
debout, cageots de fruits et légumes » ou cet éboueur qui a « beaucoup
de tenue » et que Frida charge de veiller sur Zubayda, sa mère. Emna
Belhaj Yahia déroule son ruban avec les gestes, la traversée des rues au pas de
course ou au volant, avec les impressions qui font que « ça fait du bien
de pleurer sur sa vie, toute seule, affalée sur son canapé ocre et sur son
existence tout effilochée ». On aura compris, là, que c’est Frida qui
parle. Une Frida qui « demande un miroir mais personne » ne l’entend...
Cependant, l’on ne dira pas plus... au lecteur de découvrir
« Le jeu de rubans »
Emna Belhaj Yahia est l’auteur de deux autres romans, L’étage
invisible et Tasharej et d’un ouvrage La Méditerranée tunisienne, cosigné avec Sadok
Boubaker.
Elle sera présente pour une dédicace au Salon du livre 2012
de Paris (voir notre rubrique Salon du Livre) et l’invitée, le 8 mars 2012 à Bordeaux, de l’association Lettres du
Monde.
Editions
Elyzad : http://www.elyzad.com
Association Lettres du Monde : http://www.lettresdumonde.com
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire