samedi 17 juillet 2010

Voyage en Algérie : M'Hamed Issiakhem (3e partie) ou rendre son oeuvre accessible à tous

Avec l'aimable concours de Djamila Kabla

« Nous voulons rendre l’œuvre d’Issiakhem accessible à tous », dit Djamila Kabla Issiakhem, la commissaire générale de « Hommage à M’Hamed Issiakhem ». Nous donnons, ici, l'entretien qu'elle avait accordé, à l'occasion de cet événement, à la journaliste Samira Hadj Amar pour « Algérie News-Week ».

Samira Hadj-Amar : Pouvez-vous présenter le fonds Issiakhem ?
Djamila Kabla : Le Fonds Issiakhem renferme des documents, des témoignages et dons d'artistes permettant de découvrir et d'approfondir l'œuvre d'Issiakhem. Ce Fonds initié par des volontaires, héritiers, famille, amis de l'artiste, artistes et public, assurera une base de données au profit des étudiants et chercheurs ainsi qu'aux écoles des Beaux-arts, afin de faciliter la tâche à tous ceux qui veulent faire de la recherche sur l'artiste et son œuvre.
Pour ce qui me concerne, je dois vous dire que je fais partie des bénévoles. Ma mission est de coordonner ce fonds au mieux avec l'aval des héritiers Issiakhem. Nous serons vigilants quant à son dispatching.

Samira Hadj-Amar : Vous avez abordé un cycle de conférences en hommage à M'Hamed Issiakhem, peut-on en savoir plus ?
Djamila Kabla : L'intérêt des Algériens pour l'artiste et son influence dans différents domaines reste vif, que ce soit en matière artistique, ou pour son humanisme et le souci qu'il avait que chaque composante du pays trouve pleinement sa place dans une Algérie nouvelle et non une reconstruction post coloniale infidèle à son identité réelle. Ces conférences permettent de recréer le lien et le partage de la connaissance avec tous, prémisses à une réminiscence de ces débats nécessaires et structurants « Dessin et illustration de presse » est donc le thème que vous avez choisi pour ces rencontres.

Samira Hadj-Amar : D'après vous quelle place a occupé la caricature dans l'expression d'Issiakhem ? Ou pour Issiakhem ?
Djamila Kabla : Dans une vie aussi riche que celle d'Issiakhem, la caricature et le dessin de presse se sont imposés à lui de manière spontanée et nécessaire. En effet à l'indépendance, le public algérien ne connaissait pas l'art en général ou très peu. Ce domaine demeurait confiné dans certains salons feutrés; de plus, ayant été un des fondateurs de la peinture moderne algérienne non comprise pour des raisons sociologiques évidentes où nos artistes ne, pouvant reproduire que les leçons enseignées par la fameuse Ecole d'Alger, elle-même issue de l'Ecole de Paris, bloquaient toute ouverture vers la modernité. Issiakhem s'est trouvé confronté à un double problème. D'abord celui de dénigrer cette Ecole où seules les compositions florales, les natures mortes et les paysages avaient droit de cité, en créant son propre style avec comme thème majeur les femmes issues de sa société telle qu'elle était réellement et d'autre part la non-compréhension de ce public face à cette oeuvre. D'où la nécessité pour lui de trouver le moyen pictural de faire adhérer le peuple à l'art. Il va constamment être à la recherche de personnages, de situations pour aider le peuple à comprendre l'art. Et ces moyens seront les dessins de presse et la caricature. A ce moment là, l’artiste est réellement en adéquation avec ce peuple grandement analphabète au sortir de la guerre. Il sera le reflet de sa société aussi bien en peinture qu'en dessin : comprendre les maux et les angoisses qui minent tout un chacun et les partager d'un coup de crayon avec le peuple. Le peuple et son devenir ont été les angoisses majeures et permanentes d'Issiakhem. Ce langage artistique populaire qu'est le dessin est en fait un palliatif pour faire descendre l'art dans la rue et le rendre accessible à toutes les couches de la société. Une caricature pouvait être comprise de tous mais pas une toile. De même qu'il a été pour cela jusqu'à accepter de porter le message officiel (révolution agraire, etc.) parce que convaincu que c'était la moins pire des solutions. Avec la caricature, il voulait participer activement à l'édification d'un Etat de droit et de justice. C'est un artiste engagé qui n'a jamais omis les préoccupations du peuple. Avancer avec lui avec sincérité. Il disait qu’il faut constamment évoluer avec son peuple ne pas lui mentir. N'être ni trop en avance sur lui ni rétrograde. Ses premiers dessins remontent à son enfance puis avec le journal républicain, « El-Djeich », « Révolution et Travail », etc.

Samira Hadj-Amar : Aujourd'hui, c'est l'école des Beaux-Arts d'Azazga qui reçoit les hôtes d'Issiakhem, quel est le programme de cette journée ? Et pourquoi avoir choisi Azazga ?
Djamila Kabla : Le choix de l'école d'Azazga s'est fait d'abord pour des raisons de commodité. En effet, notre conférencier, monsieur Ziad habite la région et vu son âge avancé, nous avons voulu le ménager d'une part et, d'autre part, intéresser une région à l'oeuvre d'Issiakhem. Nous rappelons que nous avons déjà donné en 2007 une conférence à Relizane, ville ou a grandi l'artiste puis en juin 2008 à Taboudoucht son village natal et en décembre 2008 à l'école des Beaux-Arts d'Alger ; Nous comptons sillonner les villes d'Algérie en fonction de la disponibilité de nos témoins qui, rappelons le, sont tous âgés au jour d'aujourd'hui et nul doute que nous trouverons écho à travers tout le territoire. Issiakhem étant un authentique algérien qui se revendiquait de Tamanrasset à Oran en passant par Béchar ou Constantine.

Samira Hadj-Amar : Vous avez choisi de faire intervenir des caricaturistes Le Hic, Lounis et un journaliste et ami de M'Hamed Issiakhem : Ziad Mohand Saïd, qu'est ce qui rassemble ces parcours avec celui de M'Hamed Issiakhem ?
Djamila Kabla : Nous avons l'immense honneur d'avoir le témoignage de monsieur Ziad Mohand Saïd l'un des plus fidèles amis d’Issiakhem et ce, depuis les années cinquante. Il fut un des plus prolifiques journalistes d'Alger Républicain des années 60 aux côtés d’Issiakhem et de Kateb Yacine entre autres. Le Hic fait partie d'une autre génération ; c’est un talentueux caricaturiste.
Djamel Lounis est un jeune caricaturiste autodidacte peu connu du public. L'idée d'associer ces trois générations ne peut être que bénéfique. Quel regard porte-t-on sur la caricature aujourd'hui et quels sont les espoirs et messages véhiculés à travers leurs dessins à des périodes différentes ? Issiakhem a toujours revendiqué l'intérêt pour les jeunes talents et pour rester fidèles à cette logique, Djamel Lounis sera ce jeune que nous ferons connaître et il le mérite certainement ; ce qui les unit tous, c'est leur sincérité avec le peuple et le combat pour la dignité et le respect de tous les artistes. Ils sont porteurs de message et d'espoir et sont tous le reflet de notre société.

Samira Hadj-Amar : Après Alger et Azazga, dans quelle ville ou quelle destination vous retracerez le parcours d'Issiakhem ? Et quel chapitre de sa vie sera abordé ?
Djamila Kabla : Le lieu s'imposera avec notre prochain témoin ; par contre pour le thème, nous nous pencherons sur le figuratif et le non-figuratif dans l'Algérie naissante. »

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